Trail Clécy Scientifique : Une course dédiée à la recherche scientifique
Photo : Benjamin Becker
Le 11 novembre prochain, aura lieu en Normandie le premier trail au monde entièrement dédié à la science. Le principe du Trail Scientifique Clécy est simple : 60 coureurs bardés de capteurs prendront le départ d’un ultra-trail de 160 km au cœur de la Suisse normande.
Leur performance sera épiée selon un protocole scientifique professionnel afin de comprendre les facteurs de réussite et d’échec dans la pratique du trail. Une vingtaine d’équipes de chercheurs spécialisées dans les déterminants de la performance en ultra-trail seront sur place pour travailler avec les athlètes.
Nous avons voulu en savoir plus avec Benoit Mauvieux, chercheur à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et fondateur de ce trail.
Comment vous est venue l’idée d’organiser le premier trail scientifique du monde ?
Depuis plusieurs années, je m’intéresse à la pratique du trail en tant que chercheur par rapport au fait qu’il implique que pendant 24 à 48 heures, ses pratiquants vont aller toucher leurs limites physiologiques. Cela nous permet d’étudier des phénomènes d’adaptation que l’on ne retrouve pas ailleurs, en termes de gestion du sommeil, de nutrition et de résistance musculaire, par exemple. Nous avions déjà mis en place des protocoles expérimentaux sur le terrain, mais ils posaient problème, car la plupart du temps, les coureurs n’ont pas trop le temps de s’arrêter en course pour se prêter à nos mesures. Et puis cela demandait souvent une logistique importante : beaucoup de personnel, l’installation de grosses machines sur le parcours, etc. Ensuite, on s’est aperçu qu’avec l’explosion de la pratique, de plus en plus d’équipes de recherche s’intéressaient au sujet en travaillant sur des champs d’études différents. Je trouvais cela dommage, car on travaille souvent de manière isolée et on éprouve tous la même difficulté à mettre en place des protocoles. Aussi, il était difficile de mettre en relief nos résultats. Nous avons donc identifié toutes les composantes physiques et psychologiques impactées lors d’un ultra-trail et nous sommes allés voir les équipes de recherche qui travaillent sur ces différents domaines dans le monde, en leur proposant ce protocole, clé en main.
Quels seront les objets d’étude ?
Il y aura sur place 16 équipes de recherche venant du monde entier qui vont mettre en place une quarantaine de protocoles expérimentaux. Mon équipe travaille, par exemple, sur la thermorégulation et le sommeil. Mais on retrouvera également des études sur la cognition spatiale, la biomécanique, les mécanismes nutritionnels et hydriques, l’impact sur les tendons, la fatigue des muscles, la physiologie cérébrale, les déterminants psychologiques, la cinétique, etc. L’objectif derrière tout cela est aussi d’avoir une vision globale, une approche complémentaire des caractéristiques qui limitent la performance sur un ultra-trail. La grande particularité de ce trail est que pour la première fois, les chercheurs pourront mettre en relation leurs résultats, les comparer, etc. L’intérêt est à la fois pour les athlètes, les équipementiers et les organisateurs de course. Car le but est de prescrire, à terme, des préconisations pour pratiquer l’ultra-trail dans de meilleures conditions, que ce soit en termes de gestion de l’entraînement, de compétition ou de récupération.
Comment le Trail Clécy Scientifique va-t-il se dérouler concrètement ?
Les tests sur les coureurs débuteront dès le mercredi 10 novembre avec des rendez-vous médicaux, des tests de force, de motivation, de vigilance. Nous allons également enregistrer leur sommeil en amont de la course. Le départ sera donné le jeudi 11 novembre, en début d’après-midi. Durant la course, les participants seront équipés de plusieurs capteurs comme un gilet élastique qui enregistre la fréquence cardiaque, respiratoire, la glycémie, la composition de la sueur, etc. Ils auront aussi avalé une capsule renfermant un thermomètre interne afin de mesurer leur température centrale. En parallèle, ils s’arrêteront après chaque boucle et rejoindront le centre où est installée toute la logistique des équipes de recherche. Ils seront conduits dans la salle de manipulation afin de passer des tests de force, de souplesse, de vigilance, de motivation. On leur fera passer des échographies des tendons, du cœur et une prise de sang sera effectuée. Le test durera environ 40 minutes à chaque fois.
Comment avez-vous choisi les « cobayes » ?
Nous avons fait appel au volontariat et les dossiers ont été examinés par un comité d’éthique, qui regarde si ce que l’on va faire est recevable. La seule condition pour être sélectionné était d’avoir déjà terminé un ultra-trail. Au total, nous aurons donc 60 concurrents, qui s’élanceront comme dans une vraie course. Il s’agit d’une population très représentative des pelotons d’ultra-trail avec une moyenne d’âge de 40-45 ans et plus d’hommes que de femmes. Les niveaux sont également très variés. Nous retrouverons d’excellents coureurs, dont trois qui ont déjà fait un top 10 sur l’UTMB, et une coureuse belge, vainqueure de la Transgrancanaria.
Et concernant le parcours ?
Pour simplifier, nous avons choisi un parcours sous forme de boucles. Les concurrents auront ainsi six boucles de 26 kilomètres à effectuer. Au total, cela représente 154,2 km pour 6 000 mètres de dénivelé positif, c’est-à-dire 1 000 mètres de D+ à chaque tour. Le terrain ressemble à ce que l’on retrouve sur les trails, c’est-à-dire près de 75 % de sentiers et de chemins et le reste sur route. Les coureurs emprunteront des montées longues, mais peu pentues, d’autres bien raides – jusqu’à 20 % de déclivité – ou encore des descentes techniques.
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