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Un tour de France en courant pour rendre hommage à son frère et briser les tabous sur la dépression

Par Simon CHRETIEN , le 14 février 2025 , mis à jour le 14 février 2025 - 6 minutes de lecture

Louis Derrien s’élancera le 15 juin prochain à l’assaut d’un tour de France en courant. Au programme : 5800km sur les routes de l’Hexagone, soit l’équivalent de 130 marathons en 150 jours. Plus qu’un défi sportif, le coureur de 28 ans souhaite rendre hommage à son frère Simon, décédé l’an dernier après avoir longtemps combattu la dépression. Ce tour de France est aussi l’occasion de mettre en lumière les troubles psychiatriques afin de briser certains tabous.

C’est avec la voix encore remplie d’émotion que Louis Derrien raconte le drame que lui et sa famille ont vécu il y a quasiment un an. Après des années de combats contre la dépression, dont il souffrait depuis plusieurs années, Simon, le jeune frère de Louis est passé à l’acte en se suicidant. « Simon était victime de troubles de l’anxiété, avec des phases de crises très intenses. Ces troubles se sont déclenchés durant la période Covid à cause de l’isolement et de la perte de liens sociaux« , témoigne Louis Derrien, son grand frère.

Après un mois en service de réanimation, Simon est parti le 24 mai. Durant cette période, Louis Derrien, sportif depuis toujours, s’est alors mis à courir. « J’avais besoin de m’enfuir. Courir c’est quelque chose de très instinctif, très primaire. Quand j’allais le voir chaque jour à l’hôpital, je lui ai fait une promesse, celle de lui prouver à quel point je l’aimais et je le soutenais. J’avais envie de faire un truc qui me paraissait impossible mais qui n’est rien par rapport au combat qu’il avait du mener« .

C’est ainsi que le projet « Courir pour toi » est né. L’objectif : parcourir la France en courant, ce qui revient à avaler quelque 5800 km en l’espace de 150 jours. Pour ce défi, Louis sera accompagné par sa sœur qui le suivra en van pour assurer la logistique.

Simon Derrien est décédé le 24 mai 2024 après un long combat contre la dépression.

Tour de France en courant : sensibiliser sur les troubles psychiatriques

Au-delà de l’hommage qu’il souhaite rendre à son frère, Louis Derrien espère aussi mettre en lumière la problématique liée au trouble psy. « Je veux aider à repenser l’imaginaire autour de la santé mentale. Ce n’est pas les fous d’un côté et les gens normaux de l’autre« .

Louis rappelle d’ailleurs que son frère était un homme brillant et joyeux au quotidien et que sa famille était unie, soudée et que les quatre enfants de la fratrie n’ont jamais manqué de rien. « Ce drame ne devait pas nous concerner, mais c’est bien la preuve que cela touche tout le monde. En réalité, les troubles psychiatriques touchent, selon certaines études, 13 millions de Français chaque année. C’est une personne sur cinq. Cela signifie que ça concerne notre cercle très proche ».

Pour Louis, l’aventure est aussi l’occasion de pointer du doigt le trop faible accompagnement de ces personnes atteintes de troubles psy. « Les traitement médicamenteux sont importants mais ce n’est pas la solution unique, il faut de l’accompagnement, une considération de ces personnes. La santé mentale est toujours secondaire par rapport à la santé physique ». Pas question pour autant d’en faire un combat vindicatif. « C’est un projet qui est rassembleur, qui donne le sourire et qui parle à tout le monde. Simon était dans le partage, qui marquait les gens car il était brillant. Le but c’est que les gens puissent changer le regard qu’ils ont sur les troubles psy ».

Pour ce défi, Louis Derrien va ainsi lancer une cagnotte afin de récolter 100 000 euros pour l’association La Maison Perchée qui aide les personnes atteintes de troubles psychiques à se reconstruire.

Une longue préparation

Si le tour de France en courant débutera officiellement le 15 juin prochain pour s’achever cinq mois plus tard, le projet « Courir pour toi » est en préparation depuis longtemps. « En réalité, il a démarré à l’hôpital quand Simon était en réanimation, avec cette promesse. Avant même son enterrement, j’ai commencé à m’entraîner« , raconte Louis Derrien. Et pour ne pas faire les choses à moitié, le jeune homme, qui a quitté son job en décembre dernier, s’est entouré d’une équipe pour l’aider : un entraîneur, un préparateur mental ainsi qu’une nutritionniste l’encadrent depuis juin dernier.

Car malgré son attrait pour le sport, Louis Derrien n’est pour autant pas un spécialiste de la course à pied. Lui, c’est plutôt le ski de rando, la randonnée et la grimpe, qu’il pratiquait d’ailleurs avec son frère Simon, qui le passionne. Mais depuis le lancement du projet, « la course à pied est devenue quelque chose d’essentiel. Je me suis mis à courir pour fuir, pour me sentir vivre, pour avancer ». Il s’entraîne ainsi à raison de 70km par semaine en moyenne et avec de nombreuses séances de renforcement et de vélo.

Ce vendredi 14 février, Louis Derrien s’est lancé dans une étape primordiale pour réussir son projet : une course de 350 km entre Paris et Londres, où il retrouvera une partie de sa famille. Ce projet dans le projet lui permettra de « voir comment le corps réagit« , une sorte de répétition générale d’une semaine avant la grande aventure.

Tour de France en courant : 5800 km et 126 000mD+

Le 15 juin prochain, le coureur s’élancera donc depuis Francheville, près de Lyon. « C’est un endroit qui m’est cher car c’est ici que vivent mes parents ». Puis viendra la première grande étape de ce « voyage » : les Alpes, avec au programme l’ascension du Mont-Blanc, qu’il fera vers le 30 juin avec son autre frère, Matthieu.

La suite le fera passer par le sud de la France avec un autre gros morceau : la traversée des Pyrénées via le GR10. Il sera alors temps de remonter toute la côte atlantique jusqu’à la Bretagne avant de filer vers le Nord de la France, puis de redescendre par les Ardennes, les Vosges, et la Bourgogne, là où Simon est enterré.

Accompagné par sa soeur Pauline, qui le suivra en van aménagé pour assurer la logistique, Louis Derrien compte courir seul même s’il n’a pas la volonté de vivre cette aventure dans la douleur. Il sera ainsi suivi par une équipe de caméramans et de photographes afin de faire vivre le projet à distance. « Le but c’est de partager cette aventure afin qu’elle ait un impact« . Pour lui, ce sera aussi l’occasion « de créer des souvenirs positifs et de se reconstruire« .

« Ce projet, c’est ma manière de faire mon deuil. J’avais besoin de marquer cette disparition, l’ancrer dans ma vie pour que je puisse me reconstruire derrière et pour qu’il en reste quelque chose de positif. Cela me permettra sans doute que ce drame ne soit plus au cœur de ma vie, au centre de mon existence. Ce sera toujours là en moi mais il y aura quelque chose d’autres que la douleur qui en sera sortie«