Yoann Kowal : à l’assaut de son premier marathon
Il baigne dans l’univers de l’athlétisme depuis toujours et malgré ses 35 ans, Yoann Kowal est loin d’avoir dit son dernier mot. Après 15 années au plus haut niveau sur 1500 m et 3000 m steeple, marquées notamment par un titre de champion d’Europe en 2014, le Périgourdin a donné un nouvel élan à sa carrière. Le 2 octobre prochain, à Londres, il découvrira ainsi pour la première fois l’épreuve du marathon. Un défi de taille qu’il s’est lancé avec toujours autant de passion et de sérieux. Interview !
Ce dimanche 2 octobre, des milliers de concurrents se retrouveront sur le Marathon de Londres, l’un des Six Majors. Parmi eux : Yoann Kowal. L’athlète de 35 ans s’est lancé dans la grande aventure du marathon après plus d’une décennies à fouler les pistes d’athlétisme au plus haut niveau.
Jogging International : Yoann, après une carrière couronnée de succès sur les disciplines du 1500 m puis du 3000 m steeple, te voilà avec un nouveau défi : le marathon. Comment t’es venue cette idée ?
Yoann Kowal : L’envie de passer un jour sur marathon n’est pas arrivée par hasard. Cela fait un moment que j’avais ce projet en tête. Je dirais que la démarche a débuté en 2016. Ça s’est finalement mis en route un peu plus tard que prévu, car j’avais encore en ligne de mire les JO de Tokyo, initialement prévus en 2020. Le marathon, c’est un repère pour le public, tout le monde connaît une personne qui y a pris part. On me demandait souvent mon temps sur marathon, ça sert de référence pour beaucoup. J’avais donc envie d’apporter une réponse. Après, je fais partie de ces athlètes qui aiment vraiment courir, donc cela pose moins de problèmes.
Tu t’engageras donc sur ton premier marathon le 2 octobre à Londres, comment s’est déroulée cette transition ?
Yoann Kowal : Finalement, tout s’est fait un peu naturellement. Je m’y prépare vraiment depuis septembre 2021, après une période un peu compliquée pour moi. Pour comprendre, il faut revenir en arrière avec une année 2020 très particulière. Pendant le confinement, j’ai sans doute voulu trop en faire et j’ai commencé à fragiliser mon talon. À ce moment-là, j’avais toujours comme objectif de prendre part aux JO de Tokyo, mais avec le décalage d’une année, tout a été remis en cause. L’année 2020 est compliquée avec des gênes et des douleurs même si je continuais à m’entrainer. En début d’année 2021, je mets tout en place pour me soigner et être prêt pour la nouvelle échéance. Mais, on a découvert que mon talon était réellement fissuré. Même si j’étais en mesure de réaliser des chronos qui m’auraient amené en finale sur les Jeux, on s’est rendu compte avec mon coach qu’il serait impossible d’enchainer les étapes de qualification et d’être en mesure de performer jusqu’à la finale. J’ai donc tout coupé durant l’été 2021 en décidant de reprendre l’entraînement en septembre. L’objectif depuis cette date est donc de participer à ce marathon afin de découvrir l’épreuve.
Le marathon, c’est un repère pour le public
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Passer de la piste à la distance reine n’a pas été trop compliqué ?
Je suis un dur au mal et durant ma carrière, je me faisais déjà des semaines à plus de 200km. J’ai surtout rajouté plus de footing, et plus de sorties longues. Mon vrai plus, c’est que j’aime enchaîner les kilomètres, donc la transition s’est fait de manière plutôt naturelle.
Cette première découverte n’est en fait qu’une étape pour t’amener jusqu’au marathon des Jeux Olympiques de Paris en 2024 ?
C’est, en effet, l’objectif que je me suis fixé. Je sais que la concurrence est rude avec une délégation française très fournie sur la discipline. On est très nombreux à pouvoir faire les minimas qui devraient être fixés à 2h09’40’’. Pour l’instant, je vise 2h13 à Londres et je me projetterai ensuite sur 2023 avec sans doute une participation aux marathons de Rotterdam au printemps et Valence en fin d’année. Déjà, si je peux passer sous la barre des 2h10 un jour, ce serait idéal. C’est vrai que Paris semble compliqué, mais il faut être ambitieux. Si tu n’as pas de rêve dans la vie, tu restes dans le canapé et tu ne vas pas t’entrainer !
C’est vrai que Paris semble compliqué, mais il faut être ambitieux
Entre ton retour de blessure et ta participation au marathon de Londres, il se sera écoulé pratiquement une année de préparation. Tout semble s’être très bien passé pour toi ?
En effet, pour l’instant, je suis vraiment sur une bonne dynamique. Comme je m’engageais sur une préparation que je ne connaissais pas, je voulais vraiment avoir un gros socle en amont. J’avais prévu de jalonner mon année 2022 en validant des chronos sur semi-marathon et tout s’est déroulé comme prévu, même mieux. Sur mon premier semi à Séville, fin janvier 2022, je réalise le chrono de 1h03’08, tout seul, sans lièvre alors que je m’étais fixé 1h04. Un peu plus tard, sur le semi de Lille, je vise moins de 1h03 et je réalise 1h02’17, donc j’ai été à chaque fois en avance sur les temps envisagés. Pour l’instant, c’est fou, mais tout se passe trop bien. Mon erreur, c’est peut-être justement de vouloir en faire trop.
L’année 2021 a vraiment été une année particulière pour toi avec ta blessure.
En effet, ce fut vraiment une période compliquée durant laquelle j’ai perdu beaucoup. Déjà, je ne pouvais plus courir, ce qui est ma passion. Ensuite, j’ai vu beaucoup de sponsors me lâcher. J’étais dans une spirale négative. Heureusement, ma famille et mes proches ont été présents pour moi. Et, puis, après la coupure de l’été, une spirale positive s’est enclenchée avec mon retour à l’entraînement et une nouvelle collaboration avec Kiprun. Tout s’est inversé.
Justement, tu es désormais sponsorisé par Kiprun, la marque de running de Decathlon. Comment s’est fait ce rapprochement ?
J’ai un ami qui travaille au siège de Decathlon à Lille. Un jour, je lui envoie un SMS de quelques lignes simplement pour me renseigner quant à leur politique concernant le sponsoring sur route. Une heure après, j’avais un rendez-vous avec toute l’équipe à Lille. Je les ai rencontrés en septembre en leur présentant mon projet de passer sur marathon. Je reprenais tout juste l’entraînement et ils m’ont immédiatement fait une proposition. J’avais tout perdu et là, une marque me proposait de me mettre en égérie, ça m’a redonné un regain d’énergie incroyable. C’est quelque chose qui m’a marqué. J’ai rencontré une équipe hyper cool, passionnée. Dans le même temps, Adidas était revenu vers moi pour me faire une nouvelle proposition. Sans le vouloir, je les ai mis en concurrence, ce qui n’a jamais été ma façon de faire. J’étais mal à l’aise et j’ai mis du temps à me décider.
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Qu’est-ce qui a fait pencher la balance ?
Leur idée n’était pas simplement d’avoir un athlète sportif élite à sponsoriser. Ils comptaient sur moi pour être dans le co-développement de produits. Ça faisait quelque temps que je voulais être investi dans le développement de produits. Avec Adidas, c’était compliqué. Kiprun, c’est français, c’est en France. J’ai développé avec eux leur première chaussure à plaque carbone qui vient de sortir, la KD 900X. J’ai donné les grandes lignes et réalisé beaucoup d’essais. Je travaille en direct avec l’équipe de recherche, ce sont des « fous furieux » (rire). Ils prenaient en compte toutes mes remarques. Ce que j’ai beaucoup aimé aussi, c’est leur état d’esprit. Ils savaient me dire non quand les propositions que je faisais ne correspondaient pas à leur critère de durabilité par exemple. En tout cas, je suis hyper fier de faire ça !
J’ai développé avec Kiprun la première chaussure à plaque carbone de la marque
Tu es dans l’athlétisme depuis tout petit et au plus haut niveau depuis 2006 chez les juniors. À 35 ans, comment parviens-tu à conserver une telle rigueur, une telle motivation ?
Je suis un vrai passionné et quelqu’un de travailleur et de consciencieux. En équipe de France, on me surnommait le Stakhanoviste des pistes. Je ne laisse jamais la place au hasard et je fais tout pour y arriver. Et, même quand ça ne va pas, je cherche toujours une solution. C’est l’éducation que j’ai eue et celle que je donne à mes enfants : tout tenter pour ne pas avoir de regret. Puis, je suis un besogneux, j’aime le travail. C’est très rare que j’aille à un entraînement à reculons. J’ai aussi la chance d’avoir une famille qui m’accompagne, qui comprend mes besoins et qui me suit beaucoup. J’ai conscience d’avoir la chance de vivre de la course à pied. J’ai une sécurité financière grâce à mon rattachement à l’armée. Vivre de sa passion, vivre pour courir, je kiffe ! C’est une belle vie !