Courses

La route de la fortune

Par La Rédaction , le 2 novembre 2016 - 5 minutes de lecture

Dans le football ou le tennis la démesure de l’argent ne semble plus choquer grand monde, l’énormité des sommes devenant par trop abstraite. Qu’en est-il dans le monde de la course à pied ? Que peut bien rapporter le marathon de Paris ou de New York à son vainqueur ?

Un petit rappel historique sur ce sujet. Les premières primes aux coureurs datent de la fin des années soixante-dix. Aux services à café, radio-k7 et autre mini-vélo offerts au vainqueur du cross local succédaient quelques billets de cent francs glissés dans la fameuse « enveloppe ».

Mes premiers cachets datent de 1981. Après mon premier titre national de marathon à Beuvrages, un organisateur m’avait proposé dès le lendemain (!) 3 000 francs pour courir un 5 km sur une piste en cendrée dans le cadre d’une fête scolaire à Châteauroux, puis un autre 5 000 F pour une course de 30 kilomètres une semaine plus tard… C’était l’équivalent de mon salaire mensuel ! J’étais abasourdi parce que, jusqu’à là, je me faisais en général tout juste rembourser mes frais de déplacement. Parfois il m’arrivait de faire 200 francs de bénéfice… avec un réel contentement ! ce premier titre de champion de France me donnait LA reconnaissance sociale.

En fait, je fais partie de la première génération d’athlètes qui a gagné de l’argent grâce à la course sur route. C’est le regretté Jacky Boxberger qui nous a ouvert pas mal de portes. Il était très populaire et a su habilement faire monter les prix grâce à ses nombreuses victoires au cross du Figaro et au marathon de Paris. Les entreprises privées et les premiers équipementiers étaient très intéressés par la vogue croissante de la course sur route qui touchait et réunissait la masse et l’élite. Les marques parrainaient les épreuves ou contactaient directement les champions les plus représentatifs pour leur proposer des contrats de partenariat. La concurrence d’alors était nationale (« Box », Levisse, Bouster, Watrice, Gonzales…) avec parfois quelques Belges et anglais dans nos jambes. La gêne du départ lorsqu’un organisateur me demandait d’entrée « combien veux-tu pour courir chez moi ? » fut vite oubliée. Face à cette situation on apprend vite ! On se concertait parfois entre nous grâce à nos rapports amicaux où j’essayais de ne placer la barre ni trop haut ni trop bas de manière à ne choquer personne.

1985/92 l’âge d’or des primes de départ, des paiements en espèces, des fins de mois de cadre supérieur… Les grincheux, les jaloux, les puristes nous traitaient parfois de mercenaires, mais ceux là affectaient d’ignorer que la passion, la générosité dans l’effort, le respect du port du maillot de l’équipe de France, et les soirées d’après courses faisaient partie aussi de notre « trip ».

Puis les choses évoluèrent dès lors que l’URSSAF se pencha sur le dossier… La prime de départ (quand on est payé avant une course) devenait un contrat de travail… avec charges sociales en sus. Et puis, avec l’ouverture des frontières, ont déferlé sur les courses des coureurs des pays l’est, puis les Africains. La donne n’était plus la même : le gâteau plus petit et les parts plus nombreuses !
Aujourd’hui, pour les stars du macadam, c’est la transparence : primes d’arrivée, primes au record, et droits d’image sont inscrits au registre du commerce.

Le marathon de Paris ou de New York rapportent près de 100 000 euros à son vainqueur, Londres et Chicago beaucoup plus, tout en précisant que le dixième de la course se contentera de mille euros et le onzième… du droit de revenir !

Une autre époque ! C’est beaucoup d’argent, c’est vrai, mais cette somme gagnée ne représente toutefois qu’un mois de salaire de nombreux footballeurs internationaux ou le gain d’une place de quart-finaliste d’un tournoi de tennis international. 12 mois de salaire, une vingtaine de tournois… mais seulement deux marathons par an et des entraînements biquotidiens tout le long de l’année. La différence est encore énorme.

Du service à café à la modeste prime vétéran actuelle… en passant par les sacrifices, les congés sans solde, contrôles… je suis aujourd’hui de retour à la case départ ; je m’acquitte même parfois de mon droit d’inscription ; normal, je suis un coureur comme vous et Benoît Z est notre Zizou !

Rubrique « Entre nous », par Dominique Chauvelier

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