Que du bonheur !
À l’issue des derniers championnats du monde d’athlétisme de Paris, quel a été le meilleur coureur français ? Certainement pas l’un de nos marathoniens plutôt décevants lors de ce mondial. Mon coup de cœur (et il en fit chavirer plus d’un) irait plutôt à ce grand échassier, blond antillais ( !) , dévorant ses proies dans les tout derniers mètres de son tour de piste , Marc RAQUIL.
D’accord, par rapport à vous, sa distance est courte, très courte même , le 400 mètres. Cette même distance qu’on vous demande de répéter 6, 8 ou 10 fois lors des fameuses séances d’entraînement appelées VMA ou résistance dure selon les générations. Indispensable pour progresser diront les pros et les revues spécialisées ! Séances que vous haïssez, que vous appréhendez à cause de la violence de l’effort à fournir avec ce manque d’oxygène qui vous brûle la poitrine, cet acide lactique qui rend vos jambes dures comme du bois et cette dernière ligne droite qui monte, qui monte… mais qui descendait pour Raquil !
Cette souffrance qui devient jouissive seulement lorsque la séance est terminée, le devoir accompli …
Depuis la fameuse Coupe du monde de foot de 98 , jamais un événement sportif n’avait suscité autant d’engouement. Dès le lendemain je vois ainsi trois joggers inconnus, sur ma piste fétiche du Mans. Tout en palabrant sur ce fameux Raquil, ils « joggent » lentement au premier couloir… ce qui énerve passablement les pur-sang de l’athlé du style « peuvent pas courir autre part ceux-là.» Après ce jogging , les trois apprentis athlètes se testent à deux reprises sur un 200 nm . Ils désirent certainement comparer leur performance avec celle du champion vu la veille à la télé. Constat sans appel, 35 secondes à leur chrono tandis que le grand Marc effectue le double de distance en moins de 45 secondes ( soit 32 km/h). Pour moi, la réussite de ces championnats c’était cela !
À travers son talent sportif , son look et son charisme, Raquil est devenu une vedette pendant que nos marathoniens sombraient , sans jambes et parfois sans tête , défaillance collective inquiétante. Les « 2 h 06 » d’avril de « Z » et de El Himer semblent bien lointains ; leur objectif était le marathon de Paris et non le marathon des championnats du monde de Paris. Mauvaise planification ou choix individuel. L’équipe de France de marathon a été inexistante durant ce mondial. Par leur individualisme les marathoniens s’apercevront (mais un peu tard) d’avoir manqué une belle fête : le dernier événement mondial en France datait de 1924 (jeux Olympiques) et les prochains en 2012 ne sont pas encore certains ; alors il fallait être là !
« J’y étais. » Fier d’avoir fait partie de la fête comme consultant chez Eurosport avec le privilège d’être au premier rang, d’avoir droit à tout : les ralentis, les temps de passage, les contacts avec les athlètes, les interviews, les opérations VIP … À en oublier que j’avais été acteur lors de mondiaux précédents…
« Vous y étiez. » Ma grande surprise fut également d’avoir vu un grand nombre d’entre vous, les coureurs sur route ne s’intéressant soi-disant qu’à eux-mêmes, parmi le demi-million de spectateurs, mais aussi comme volontaires, placiers et même acteurs en « tutu » lors de la cérémonie protocolaire . Nous sommes bien de la même famille, coureur de 400 mètres ou centbornards, Raquil ou Dupond Durand.
Six jours après les stars mondiales , le championnat mondial des anonymes se courait au « Médoc ». Chef d’entreprise ou RMIstes , comment les reconnaître sous leurs déguisements?
Quant à moi, je n’avais pas encore revêtu mon canotier, à la remise des dossards qu’une supportrice m’avait reconnu, chuchotant à son mari « t’as vu , c’est Maurice Chauvelier » !
La course à pied c’est que du bonheur, j’vous dis.
Rubrique « Entre nous », par Dominique Chauvelier
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