Récupérer en courant, clé de la performance
Récupérer tout en courant son 10 km ou son marathon c’est possible et c’est même recommandé. C’est même un facteur de la performance qui intéresse les coureurs de tous niveaux.
Alors que les bacheliers sont notés à partir de la constance de leur vitesse de course pendant 20 minutes, les laboratoires de physiologie ont mis en évidence depuis quelques années que le secret de la performance réside dans la variété des allures durant la course.
Une expérimentation a demandé à des coureurs de faire deux fois un 10 km. Dans un premier temps, la distance a été parcourue à allure libre, dans un second à vitesse constante. Verdict : dans le deuxième cas, à vitesse constante, ils ont tous abandonné entre le 7e et le 8e kilomètre !
L’analyse des réponses physiologiques (fréquence cardiaque et consommation d’oxygène) a révélé une augmentation continue du coût cardiaque et énergétique (battements et kilocalories par mètre couru). Il est important de préciser que tous les records du monde sont battus avec des variations de vitesse de l’ordre de 5 à 8%. Pour le constater, il est nécessaire de mesurer ces vitesses sur des intervalles suffisamment petits et de ne pas se contenter de mesurer les temps de passage tous les kilomètres pour un 5 000 m ou tous les 5 km pour un marathon.
Sur le Marathon de Paris, une étude des données de 30 coureurs valant entre 2h50 et 3h50 a là aussi confirmé cette variation de vitesse. Elle fut même davantage marquée chez les coureurs de meilleurs niveaux. Mais cette variabilité de la vitesse permettant de récupérer, sera modulée en fonction de la distance de course. En d’autres termes :
Sur 5000 m : en général cette distance est courue entre 93 et 104% de la VMA. En variant ainsi leur vitesse, les coureurs évitent d’atteindre prématurément leur consommation maximale d’oxygène qu’ils ne pourront soutenir en continu au-delà de 5 minutes sachant qu’un 5 000 m se court entre 12 mn 30 s et 14 mn 30 s.
L’accumulation lactique étant importante à partir du 3e kilomètre, il s’agit de ré-oxyder en se rapprochant de la vitesse au seuil lactique¹ qui est de 2 km/h inférieure à la vitesse moyenne du 5 000 m (20 km/h contre 22.2 km/h chez les hommes et 18,5 contre 20,2 km/h chez les femmes). Le déficit d’oxygène contracté lorsque l’on court au-dessus de sa VMA est ainsi minimal et seulement accumulé en fin de course.
Concernant la stratégie en compétition, une variation de vitesse de 1km/h est conseillée tous les 300 m afin de permettre aux réserves de phosphocréatine (réserve d’énergie pouvant être utilisée sans oxygène au départ et dans le sprint final) de se re-synthétiser pour terminer le dernier 400m en moins d’une minute pour les femmes et moins de 55 secondes pour les hommes.
Sur 10 000 m : la course se déroule de 88 à 93% de la VMA et se court 1 km/h au-dessus de la vitesse au seuil. Comme sur 5 000m, seuls les glucides sont utilisés pour couvrir la dépense énergétique. Or la course dure deux fois plus longtemps.
On sait que le glycogène est nécessaire pour la contraction musculaire et que les réserves sont épuisées au terme d’un 10 km couru à vitesse maximale. Une variation de vitesse de 1 km/h est donc conseillée pour tenir la vitesse moyenne afin d’éviter :
- une diminution prématurée de la quantité de glycogène présente.
- une augmentation de la consommation d’oxygène à son maximum qui ne peut être soutenue plus de 5 minutes.
La variation doit donc s’opérer tous les 500 m.
Sur marathon : la vitesse d’évolution doit prévoir des variations de 1 km/h sur des intervalles de distances variant entre 800 et 1 000 m. Il s’agit de courir entre 90 et 100% de la vitesse au seuil lactique afin d’utiliser les sucres mais également les lipides, mélange de carburant permettant de finir le marathon. Les réserves de glycogène sont, ne tiennent pas assez longtemps pour soutenir 3 heures d’effort sans utiliser les lipides.
Les conséquence pour votre entraînement :
Il est bien évident que des variations dans la vitesse de course ne peuvent s’opérer en compétition sans avoir au préalable été appliquées à l’entraînement. En conséquence :
- Lorsque des séances VMA choisissez des distances de 300 m que vous aller courir à ± 1 km/h par rapport à cette vitesse.
Par exemple, si votre VMA est de 17 km/h, vous parcourez vos 300 m entre 16,5 et 17 km/h (10 fois 300 m avec 100 m de récupération trottée à 10 km/h). - Lorsque vous allez vous entraîner sur des vitesses spécifiques du 10 km (entre le seuil et la VMA), vous allez choisir de courir sur des 1 000, 1 500m au cours desquels vous varierez vos allures tous les 500 m de 1 km/h à partir de votre vitesse record 10 km.
- Lorsque vous allez vous entraîner avec des vitesses spécifiques du semi-marathon (plus utile que la vitesse marathon pour progresser en endurance) vous allez choisir de courir sur des 2 000 m au cours desquels vous varierez vos allures tous les 1 000 m de 1 km/h à partir de votre vitesse record du semi-marathon.
Par Véronique Billat, Professeur des Universités à Evry Val d’Essonne, Physiologiste et entraîneur.
(¹) Le seuil lactique est la vitesse à laquelle les glucides fournissent plus de 80% de l’énergie au détriment des lipides. En conséquence l’acide lactique qui est un produit de la dégradation des sucres s’accumule dans les muscles.
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