Blessure : pour une reprise gagnante
Quand puis-je recourir ? Combien de coureurs se posent la question espérant un délai court et une reprise sans difficulté. L’enjeu est pourtant très important, puisqu’il s’agit de ne pas risquer la surblessure, et donc un autre arrêt…
Par Jean-Frédéric Donati, médecin du sport
Premier avertissement : la reprise de l’entraînement après une blessure ne peut se concevoir qu’après guérison complète et totale de cette dernière. Vouloir passer outre ce principe et l’anticiper entraîne parfois des séquelles, parfois des rechutes avec des délais de guérison allongés. Le mode de reprise dépendra essentiellement du type de blessure : osseuse, ligamentaire ou musculo-tendineuse.
Les lésions osseuses secondaires à la course sont essentiellement représentées par les fractures de contrainte ou fractures de fatigue. Les délais de consolidation étant relativement courts, s’ils sont respectés et associés à la mise en décharge du membre atteint sans immobilisation, autorisent une reprise sans rééducation. La reprise d’un entraînement normal se fait en une quinzaine de jours durant lesquels il faut remettre l’organisme progressivement à niveau sur le plan cardiovasculaire et musculaire. Période encore plus courte si l’on a pu pratiquer une activité physique substitutive portée comme la natation ou plus prudemment le cyclisme. Les délais de consolidation des principales fractures de contrainte du coureur à pied sont les suivants :
. Col fémoral : 4 à 6 semaines
. Tibia : 5 à 6 semaines
. Péroné : 3 semaines
. Scaphoïde tarsien : 4 semaines
. Métatarsien : 3 à 4 semaines
. Calcanéum : 4 à 5 semaines
La reprise après une lésion osseuse traumatique occasionnée par accident et ayant nécessité une intervention et/ou une immobilisation ne peut être envisagée qu’après une rééducation articulaire et musculaire.
Les lésions ligamentaires occasionnées par la course sont essentiellement représentées par les entorses de la cheville et plus rarement du genou.
Une entorse bénigne de la cheville nécessite un arrêt de 10 jours associé à une contention élastique. La reprise pourra se faire alors sans rééducation mais prudemment sur terrain stable et plat avec une chevillère ligamentaire sur une période de 10 jours environ avant de reprendre tout à fait normalement.
Une entorse grave nécessite un arrêt total de 3 semaines associé au port d’une contention par attelle amovible semi rigide. La reprise ne pourra se faire qu’après une dizaine de séances de rééducation proprioceptive sur plateau à boule ou trampoline afin de verrouiller l’articulation grâce aux tendons des péroniers latéraux et d’obtenir une stabilité articulaire. Cette rééducation est essentielle si on veut éviter une instabilité articulaire source d’entorses à répétition pouvant alors conduire à une intervention chirurgicale stabilisatrice avec des délais d’arrêt alors supérieurs à 40 jours.
Les entorses du genou sont en principe bénignes et affectent le ligament latéral interne ou externe selon le mécanisme traumatique. L’immobilisation par attelle articulée ou fixe nécessite d’être maintenue 3 semaines. Une rééducation re-musclant le quadriceps est indispensable afin de recouvrer un verrouillage du genou en extension. La reprise de la course se fera de façon progressive sur terrain plat dès lors que ce verrouillage est obtenu.
Les entorses graves touchant le pivot central du genou sont exceptionnelles à la course et ne se voient que lors de trails sur terrains très accidentés. La période de rééducation est alors plus longue et la course ne peut être reprise qu’après l’obtention d’un verrouillage complet du genou par la musculation. Si ce dernier ne peut être obtenu, le recours à une chirurgie stabilisatrice est alors nécessaire.
Les lésions musculaires et tendineuses sont quant à elles les plus grandes pourvoyeuses de soucis chez le coureur. On peut y adjoindre des lésions du ménisque occasionnées par les chocs répétés auxquels doivent faire face ces 2 structures intra-articulaires des genoux.
Les tendinites rotuliennes, achiléennes, des péroniers latéraux devraient être prises en compte dès leur apparition et un traitement précoce adapté par glaçage, anti inflammatoires non stéroïdiens, et correcteurs d’un trouble de l’appui du pied au sol, associé à un allègement de l’entraînement doit permettre d’éviter un arrêt complet de la course. Il convient de raccourcir le temps de chaque séance à un temps inférieur à celui où apparaît la douleur et d’espacer les séances afin de laisser un temps de récupération suffisant au tendon atteint. En cas de douleurs permanentes le temps d’arrêt complet nécessaire dépasse rarement 2 ou 3 semaines.
Une attention particulière doit être portée aux pubalgies dont l’origine peut être une tendinite des adducteurs ou des grands droits de l’abdomen voire une arthropathie de la symphyse pubienne. Dans ce cas, l’arrêt complet doit être associé au traitement. La reprise ne peut être que très progressive après un arrêt qui peut, dans cette pathologie durer 2 à 3 mois, voire exceptionnellement plus.
Les sciatalgies en rapport avec une souffrance du muscle pyramidal n’imposent un arrêt que provisoire dans l’attente d’une correction d’une bascule du bassin souvent à l’origine du trouble.
En cas de lésions du ménisque entravant la poursuite de l’entraînement la seule solution est chirurgicale. L’arrêt complet est alors nécessaire jusqu’à la disparition totale des phénomènes inflammatoires c’est-à-dire un à deux mois. La reprise doit être très progressive afin de ne pas réveiller de nouveaux phénomènes inflammatoires. Des séances courtes de 20 minutes à ½ heure, deux puis trois fois par semaine pendant deux semaines doivent permettre de « tester » l’articulation opérée. Si ce test reste indolore la reprise d’un entraînement normal est alors possible.
Les lésions musculaires peuvent être classées en 3 types :
. Elongations : les fibres musculaires sont rompues à l’échelle moléculaire mais non macroscopique. Le délai de consolidation est de 10 à 14 jours selon l’étendue de la lésion, passé ce délai la reprise peut être normale. Il ne persistera aucune séquelle.
. Déchirures : les fibres musculaires sont rompues macroscopiquement avec, assez souvent, constitution d’un hématome loco régional. L’arrêt complet est alors impératif d’une durée de 3 à 4 semaines avec, si possible, une immobilisation souple du segment atteint. La reprise ne pourra se faire qu’après une période de rééducation musculaire spécifique effectuée par un kinésithérapeute. Des séquelles peuvent persister en raison d’une cicatrice fibreuse que le traitement doit minimiser.
. Claquages : les fibres musculaires se rompent au niveau de leur jonction tendineuse, voire le tendon lui-même se désinsère de son amarre osseuse. Il y a alors parfois nécessité d’une réparation chirurgicale comme c’est assez souvent le cas au niveau achiléen. Après traitement chirurgical, l’immobilisation est alors de 40 jours puis la marche est reprise progressivement avec le port d’une talonnette dont la hauteur décroît de mois en mois sur une période de 3 mois. Une rééducation est également nécessaire durant cette période, la course ne peut être reprise que très progressivement après environ 5 mois. Si un traitement chirurgical n’a pas été nécessaire, l’immobilisation totale doit être tout de même de 4 semaines avec une période de rééducation avant toute reprise de la course.
Enfin, mentionnons à part les lésions rachidiennes provoquées ou révélées par la pratique de la course, c’est-à-dire essentiellement les lumbagos et sciatiques. La reprise, voire la poursuite de la course à pied après de telles blessures n’est possible que s’il n’existe pas de conflit disco radiculaire. Elle ne peut se concevoir que lorsque les douleurs ont totalement disparu et après verrouillage musculaire du rachis lombaire obtenu par une kinésithérapie adaptée.
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