La course aide-t-elle à lutter contre les virus de l’hiver ?
Tous les ans, l’hiver amène son lot de rhumes et autres infections virales. La course à pied peut-elle aider à lutter contre les virus de l’hiver ? Par Fabrice Kuhn, médecin du sport.
Vous êtes en permanence bombardés de microbes et de virus, et notamment l’hiver. Heureusement, votre organisme sait se défendre. D’ailleurs, vous tombez assez peu souvent malade. Un adulte fait, en moyenne, deux à quatre infections respiratoires hautes tous les ans.
Pour se défendre contre ces attaques, votre organisme repose sur un système immunitaire alliant plusieurs lignes de défense. Il y a des barrières physiques (peau, paroi intestinale et paroi bronchique principalement) qui empêchent les microbes de pénétrer notre organisme. Il y a des cellules actives comme les leucocytes (globules blancs) et des molécules actives (anticorps) qui s’attaquent aux virus ayant franchi nos barrières. Nous avons même des « amis » qui nous aident comme le microbiote. Mais la moindre brèche dans nos défenses risque d’être exploitée immédiatement par les microbes.
Virus de l’hiver : risque réduit pour les coureurs réguliers
Courir (et faire du sport en général) est un formidable outil de prévention des infections respiratoires hautes (rhumes). Juste après un entraînement à intensité modérée et pas trop long, la production d’anticorps est temporairement majorée tandis que le taux de lymphocytes circulants peut être augmenté transitoirement. Vos défenses sont au top. En courant au moins deux fois par semaine, vous diminuez ainsi de 40 % le risque de rhume, comparativement à un sédentaire.
Des défenses affaiblies sur un effort long et soutenu
Courir vite et longtemps produit un effet inverse. Les coureurs très assidus font plus d’infections respiratoires hautes que les coureurs simplement réguliers. Chez les coureurs très assidus, le rythme des infections ne suit pas seulement celui des saisons, mais aussi celui des compétitions. L’ennemi de nos défenses immunitaires, c’est l’effort intense et prolongé (plus de 90 minutes).
Quatre-vingt-dix minutes d’entraînement intense suffisent pour perturber vos défenses immunitaires durant trois à 24 heures. Le marathon en est l’exemple même. Après un tel effort, le risque infectieux est deux à six fois plus élevé.
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Plusieurs phénomènes s’associent pour fragiliser toutes les lignes de défenses contre les microbes :
- Les attaques microbiennes se multiplient. En effet, lors des efforts intenses et prolongés la fréquence et le volume respiratoire augmentent afin de fournir tout l’oxygène nécessaire aux muscles. Cela suffit pour accroître l’exposition de l’arbre respiratoire aux pathogènes.
- Les barrières sont fragilisées. C’est le cas de la barrière intestinale, qui est notre première ligne de défense. D’ailleurs, une majorité des infections passe par notre intestin. La paroi intestinale doit faciliter l’absorption des nutriments tout en restant imperméable aux toxiques (microbes, notamment). Or, le trio composant la barrière intestinale (cellules intestinales, couche de mucus qui les recouvre et anticorps) est vite altéré par les efforts intenses et/ou prolongés. Plus les efforts sont intenses, plus les dégâts sont importants.
Le fractionné, meilleur allié des virus de l’hiver
Vous voulez faire pire ? Pratiquez le fractionné. L’alternance efforts intenses/récupération provoque une telle variation des flux sanguins intestinaux que le stress sur la paroi intestinale est maximal. Tout est alors en place pour laisser les microbes traverser nos protections. La cohésion des cellules intestinales s’étiole, rendant l’intestin perméable. La production d’anticorps baisse. La couche de mucus perd sa densité. Une fois fragilisée, la barrière intestinale devient perméable au bombardement de microbes qui en profitent pour pénétrer dans l’organisme et déclencher des infections.
- Les mécanismes de défense internes sont affaiblis. Les efforts intenses et/ou prolongés favorisent la sécrétion de molécules du stress (cortisol et adrénaline). Ces molécules du stress fragilisent le système immunitaire via une diminution de la production d’anticorps et une baisse du nombre de cellules immunitaires circulantes.
COURIR DANS LE FROID : QUEL EFFET SUR NOTRE ORGANISME ?
Comment limiter le risque infectieux ?
- Faites du sport au moins deux ou trois fois par semaine. C’est une arme redoutable contre les rhumes.
- N’en faites pas trop. Soyez à l’écoute de votre corps et de vos sensations (fatigue, démotivation…). Cela signifie, aussi, que lors des séances d’entraînement hors fractionné, vous devez rester en dessous de 80 % de votre Fréquence Cardiaque Maximale. C’est une zone d’intensité utile pour l’entraînement, pas trop épuisante et peu traumatisante pour le système immunitaire.
- Limitez-vous à une séance de fractionné tous les sept à dix jours durant l’hiver. Ce sont les séances les plus perturbantes pour vos défenses contre les microbes.
- Durant les séances de fractionné ou les sorties longues, prévoyez d’ingérer des glucides durant l’effort (boisson spécifique, barres, jus de fruit…). Ces glucides permettent de limiter le stress intestinal et l’hyperperméabilité intestinale. Moins de microbes pourront franchir la barrière intestinale et le risque infectieux sera diminué.
- Prévoyez une ration de récupération (glucides et protéines) juste après les efforts intenses et/ou prolongés (fractionné, sortie longue, compétition…). Cela permet de renforcer le système immunitaire au moment où il est le plus affaibli. On recommande 1 g de glucides et 0,5 g de protéines par kilo de poids de corps dans l’heure suivant les entraînements intenses. C’est moins important après les efforts légers.
- Soignez votre alimentation en dehors de l’effort. Un régime équilibré, varié et riche en fruits et légumes (frais et de saison, de préférence, voire surgelés) est la bonne solution pour une immunité optimale.
- Prenez un complément en vitamine D durant l’hiver. Elle aide à lutter contre les infections et nous sommes nombreux à en manquer l’hiver en raison de la faible exposition solaire.
- Fuyez la foule durant et juste après les entraînements. Vous limitez, ainsi, l’exposition aux microbes au moment où vous êtes le plus fragile.
- Ne partagez pas vos bouteilles de boisson à l’entraînement.
- Ne réutilisez pas un bidon d’un entraînement à l’autre sans l’avoir bien lavé.
- Faites un bilan sanguin, certaines carences favorisent les infections (notamment en fer).
- Accordez-vous le sommeil dont vous avez besoin. Le manque de sommeil favorise les infections.
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