La coupe du monde.. de course à pied
Remake d’un scénario déjà vu, lu ou entendu. Coupe du monde… de course à pied, première. Imaginez que sur dix mois je vous fasse courir une cinquantaine de compétitions sur des distances oscillant entre dix kilomètres et le marathon. Mon rôle serait de vous observer afin de sélectionner les vingt meilleurs d’entre vous pour une grande course mondiale où vous représenteriez votre pays. Je continue mon délire… Ma fédération est riche et on me paie royalement pour cela. J’examine les chronos, les tactiques, les conditions de course, je tiens compte également d’éléments plus subjectifs tels que le potentiel (!), la jeunesse, l’expérience… Je coche des noms sur une liste et me laisse facilement déborde. Je n’oublie pas le réseau : celui dont les chronos sont en baisse mais qui sert de support de communication à son équipementier sportif… le même que celui de la fédération. Ou bien cet autre qui plaide son retour en forme dans la presse après un long arrêt dû à une tendinite récalcitrante et qui, à raison d’ailleurs, devrait être un élément moteur pour les autres. Enfin, celle-ci n’est certes pas la meilleure mais elle paraît incontournable au vu du nombre de téléobjectifs la mitraillant, plastique oblige et retombées médias assurées ! A contrario, je zappe volontairement de bons coureurs, rayés de ma liste pour m’avoir critiqué ouvertement dans les journaux. Peu d’états d’âme pour les non-retenus qui iront monnayer leurs talents dans des courses de deuxième division.
Les heureux élus sont regroupés dans un luxueux hôtel pour un stage d’une semaine en altitude ; à chacun d’eux de se mettre en valeur pour prouver leur forme. La séance de VMA courte, répétitive et fastidieuse, ainsi que le test sur trente kilomètres se font à huis clos, journalistes et photographes interdits. De ce programme émergeront bien les meilleurs… des moins fatigués, n’est-ce pas ? Fi de l’adaptation à l’altitude, hammam et autres jacuzzis doivent suffire à retrouver une fraîcheur physique, je suis sélectionneur et non physiologue, après tout !
L’annonce définitive de la sélection officielle se fait en exclusivité dans les bureaux de Jogging International, car je suis en contrat avec ce média. Des pleurs, des sourires, des plaintes, des remerciements, des paparazzi, des flashs et des hélicoptères affrétés par des sponsors ramènent les perdants chez eux. Les autres sont engagés sur quelques compétitions de réglage. Leurs performances semblent moyennes ; parfois, ils me semblent fatigués… mais je suis sûr que le jour J, ils seront là… du moins je l’espère ! De toute façon, moi-même ne serai plus le sélectionneur à l’issue de cette course. Mon avenir est assuré et place à mon mariage people avec une animatrice télé. Coupez ! Le clap de fin me réveille. Rêve ou cauchemar ?
Retour à la réalité. Le mois prochain auront lieu les championnats d’Europe d’athlétisme à Barcelone. Pas ou peu de marathoniens français sélectionnés, sport trop exigeant et peu rémunérateur pour une élite en déliquescence. Pendant que certains jouent au ballon en Afrique du Sud, notre meilleure marathonienne, Christèle Daunay, avale des kilomètres dans le bois de Vincennes pour essayer de gagner le prochain marathon de New York. Si vous la croisez, saluez-la, elle vous répondra discrètement…
Raymond Chauvelier
Rubrique « Entre nous », par Dominique Chauvelier
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