Entrainement

Exploiter sa combativité pour performer

Par gmartine , le 26 janvier 2017 - 4 minutes de lecture

Défier une distance, une montagne, une épreuve. Se lancer un challenge entre amis. Chercher à entrer dans le top-10, 50 ou 100 d’une course. En running, la combativité s’exprime à travers le prisme individuel. Parce qu’être combatif en course à pied, c’est avant tout se dépasser.

Des visages crispés pétris de volonté. Des regards rivés sur la ligne d’arrivée ou sur le concurrent précédent. Une terminologie pour le moins guerrière : se battre, lutter contre soi-même, vaincre, affronter une distance… Le running peut dévoiler une facette de la nature humaine que l’on préfèrerait souvent occulter : l’agressivité. Cette dernière doit être canalisée pour être utilisée de façon positive dans le cadre d’une activité sportive, car non maîtrisée, elle conduit rapidement à des comportements déviants. « Manifester de l’agressivité positive, c’est être tout simplement combatif », affirme Hervé Le Deuff, préparateur mental. « La combativité est une qualité essentielle à l’accomplissement de grandes performances. »
En découdre d’abord… avec soi Sport par essence individuel, voire solitaire, le running met-il réellement en jeu l’esprit combatif ? Après tout, contrairement aux sports collectifs et aux disciplines d’affrontement (tennis, badminton, boxe…), la course à pied place avant tout l’individu face à lui-même. « La combativité en course à pied prend plusieurs formes », estime Hervé Le Deuff. « Elle se traduit d’une part par le dépassement de soi. D’autre part, par la résistance à la douleur. Enfin, par une redynamisation au cours de l’effort. » En d’autres termes, être combatif lorsqu’on court, c’est repousser ses limites et lutter contre la souffrance physique. La combativité améliore donc les conditions de la performance. Dominique Simoncini, également préparateur mental, considère quant à lui que le “combat” en running se divise en deux temps. D’abord, une phase psychologique pendant laquelle on combat ses émotions négatives (stress, émotions intrusives, croyances…), souvent avant le départ, qui, en lançant le coureur dans l’action, va le libérer de ses émotions et donc de son combat intérieur. « Ce premier combat se gagne presque tout seul car rien de tel que de passer en mode action pour inhiber l’émotion », assure Dominique Simoncini.
C’est ensuite la distance qui impose un autre type de combat en confrontant le coureur à son état physique et à la douleur. « Ces sensations mettent en exergue notre capacité de dépassement. Il faut faire appel à la capacité combative pour enjamber la souffrance générée par l’effort continu. » Ce n’est plus contre le chrono ou les adversaires que le combat est engagé, mais contre le meilleur ennemi du runner : lui-même ! « La compétition n’a pas pour but de développer chez le sportif l’esprit d’inimitié ou la haine de l’adversaire. Le sportif considère l’opposition, qui est l’essence même de la compétition, comme une occasion de donner son maximum, de découvrir et d’utiliser toutes les ressources qu’il a en lui et que, peut-être, il ignorait », affirmait le champion suisse Paul Martin, médaillé d’argent sur 800 m aux JO de 1924 et auteur d’une passionnante réflexion dans son ouvrage Le sport et l’homme.
Une force mentale à la mesure du défi Pour être combatif, il faut donc s’assurer une préparation physique et mentale pertinente. « Le fait de s’entraîner dur améliore la combativité », estime Hervé Le Deuff. Par exemple, travailler ses points faibles à l’entraînement permet de se sentir plus fort au départ d’une compétition. Des techniques mentales permettent aussi d’être plus combatif en contrôlant les pensées négatives et en ayant recours à des astuces qui dynamisent ou apaisent pendant la course. « La visualisation fonctionne très bien sur les coureurs qui adhèrent à ce type de techniques dites d’ancrage car elle permet de contrôler les idées noires pendant une compétition. On peut aussi adopter des techniques comportementales en recourant à des codes couleurs ou à des accessoires destinés à provoquer un comportement donné », explique Hervé Le Deuff. Certains placent ainsi un élastique autour de leur poignet ; lorsqu’il devient nécessaire de se relancer, ils font claquer l’élastique sur leur peau. « Le claquement provoque une réaction, comme si l’élastique intimait un ordre au coureur : maintenant, vas-y ! »
Concrètement, la combativité passe par la fixation d’objectifs et de défis. Prenons le cas exemplaire du trailer breton Jérôme Lucas, qui a terminé 9e de la Diagonale des Fous en 2015 en courant la bagatelle de 100 km sur les terrains exigeants de La Réunion avec un orteil cassé. « Il a fait preuve d’une force mentale monstrueuse ! » s’exclame Hervé Le Deuff, son préparateur mental et physique. « Il a expliqué qu’il était hors de question pour lui d’abandonner car cette course était l’aboutissement de sa saison. Il a été combatif car il est entré dans la résistance à la douleur et est resté totalement dans son défi : terminer dans le top-10. » L’objectif doit cependant être réaliste et suffisamment sollicitant. Il doit constituer un challenge atteignable, défini par rapport à soi et non par rapport aux autres. « A l’entraînement, se tirer la bourre avec les copains correspond à une combativité contre-productive : on se dérègle car on n’est plus à l’écoute de son corps. On se met à courir contre les autres et non plus en fonction de soi et de ses propres objectifs. » Pour Nathalie Mauclair aussi, championne du monde de trail l’an dernier, la combativité est étroitement liée à la notion de défi, mais elle s’exprime à différents stades de la pratique, à la fois au moment de la compétition et en amont. « Avant la course, certains coureurs affichent une grande confiance en eux, peut-être pour impressionner l’adversaire. Leur attitude exprime leur combativité. Mais celle-ci est aussi sollicitée dans la vie de tous les jours : il faut être combatif pour concilier au quotidien l’entraînement, la vie de famille, le travail… »

Une affaire de confiance Se fixer un objectif réaliste et travailler intelligemment à l’entraînement pour atteindre cet objectif, c’est cultiver la confiance en soi. La peur de l’échec, la crainte de se blesser, la peur du jugement d’autrui ou encore le fait d’être impressionné par les autres sont autant de facteurs qui nuisent à la combativité et à la performance. Lorsqu’une pensée négative survient (« Je suis nul » ; « Je n’y arriverai pas » ; « Je ne suis pas à la hauteur »), efforcez-vous de la remplacer par une pensée positive (« Je me suis préparé au mieux » ; « Je suis aussi capable que les autres » ; « Ma force, c’est l’endurance »). Replacez-vous dans le ressenti physique présent pour repousser les idées noires en vous répétant « Ici et maintenant » et en étant à l’écoute de tous vos sens : le vent sur votre visage, le bruit de votre respiration, la nature du terrain sous vos pieds, les couleurs du paysage autour de vous… « La confiance volontairement et méthodiquement acquise est le signe de l’esprit combatif vrai », écrivait Paul Martin. « Le champion a la confiance absolue d’atteindre un but précis : le dépassement de soi-même. Il sait qu’il va fournir la preuve de ce qu’il y a de meilleur en lui. » Finalement, peu importe la victoire sur les autres concurrents puisque le coureur, quel que soit le résultat, aura triomphé de lui-même. « Les athlètes pénétrés de cet esprit ne peuvent que goûter la joie de la lutte car, vainqueurs ou vaincus, ils savent qu’ils n’ont aucun reproche à se faire. » Une belle philosophie sportive teintée de fraternité qui invite non pas à courir contre les autres mais avec les autres pour mieux se dépasser. Et s’étonner !
2 conseils pour mieux exploiter votre combativité 1 – Identifiez votre agressivité Posez-vous quelques questions pour mieux comprendre quand et comment se manifeste votre combativité. A quels moments de votre vie quotidienne vous sentez-vous agressif et/ou combatif ? Quels sont les éléments qui vous rendent agressif ? Quelles sensations éprouvez-vous dans ces moments-là ? Une fois que vous aurez répondu à ces interrogations, vous pourrez faire appel à votre combativité au cours de l’effort sportif en vous mettant mentalement dans l’une de ces situations qui provoquent en vous de l’agressivité.
2 – Nourrissez votre capital confiance Prenez l’habitude de vous fixer des objectifs à la fois atteignables et motivants dans votre vie professionnelle, privée comme sportive. Vous apprendrez ainsi à mobiliser les ressources nécessaires à l’atteinte de vos objectifs. Chaque réussite viendra grossir votre capital confiance et vous permettra de développer votre esprit combatif. En course à pied, mixez les petits et grands défis : lancez-vous un challenge sur un entraînement (améliorer votre chrono d’une seconde sur une fraction, par exemple) ou sur une compétition (rentrer dans le top-100 d’un trail).
Nathalie Mauclair : « Ce n’est qu’une fois en tête que j’ai été combative » Championne du monde de trail 2015, Nathalie Mauclair se méfie de la combativité en ultra. « Souvent, quand je me suis projetée comme vainqueur sur une course, j’ai échoué et j’ai été déçue. J’en ai conclu que je ne devais pas recourir à la combativité pour réussir. En trail et a fortiori en ultra, je ne ressens pas la combativité, mais plutôt l’idée de défi et d’objectif. Pour atteindre mon objectif, je mets en œuvre des ressources adaptées. Je pense que les épreuves longues nécessitent d’écouter plutôt son corps que sa tête, ce qui n’est pas forcément le cas sur des courses plus courtes. Lorsque la distance s’allonge, il est indispensable de garder de l’énergie. Aux championnats du monde, l’an dernier, l’envie de gagner est venue au fil des kilomètres. J’ai géré mes ressources jusqu’à avoir la possibilité de passer devant. Ce n’est qu’une fois en tête que j’ai été combative pour garder la première place. Sur les épreuves longues, il faut se préserver de la combativité. »

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