Âge et vitesse de course : 34 ans, âge charnière ?
Si l’âge affecte inévitablement la vitesse de course, la vraie question est surtout de savoir à partir de quel âge et pourquoi votre vitesse de course commence-t-elle à diminuer. Et, idéalement, comment vous pouvez lutter contre cette baisse. L’histoire et la science donnent des éléments de réponse.
Âge et vitesse de course : le cas de la « légende sans âge » Haile Gebrselassie
Plongeons-nous dans les archives. Plus précisément, au marathon de Berlin, en 2007. L’Éthiopien Haile Gebrselassie, qui l’a emporté en 2006, veut tenter de battre le record du monde établi ici même par Paul Tergat en 2003. Il a alors 34 ans et toute la presse s’enflamme autour de cette « légende sans âge », détenteur de 2 médailles d’or olympiques, de 4 titres de champion du monde et de 27 records du monde sur différentes distances.
Seul à partir du 30e kilomètre, Haile Gebrselassie compte 30 secondes d’avance sur le chrono de Paul Tergat au 35e kilomètre, et les conserve jusqu’à l’arrivée. Il bat le record, avec un temps final de 2h 04mn 26s. Un an plus tard, il récidive et devient, à 35 ans, le premier athlète à descendre sous la barre des 2h 04, avec un chrono de 2h 03mn 59s !
Il continuera son impressionnante série de victoires jusqu’à ses 37 ans, remportant le marathon de Dubaï 2010, avant d’abandonner sur blessure au marathon de New York, en novembre de la même année. S’il a bien fait quelques courses par la suite, il n’a jamais retrouvé durablement sa forme physique. Alors, le milieu de la trentaine serait-il un point de basculement pour les athlètes, après lequel les performances déclineraient irrémédiablement ?
Ce que dit la recherche
En 2010, l’European Review of Aging and Physical Activity a publié les résultats d’une grande enquête menée auprès de 194 560 participants à une course sur route de 15 km et qui ont été suivis pendant 12 ans, de 1995 à 2007. Une analyse précise du temps de course a été effectuée en prenant en compte l’âge, le sexe et l’entraînement. Cette étude a montré que la baisse des performances, pour les coureurs entraînés, commence vers 40 ans, alors qu’elle se situe vers 35 ans chez les coureurs non entraînés.
Cette étude montre aussi que la baisse est plus rapide après 65 ans. Autre enseignement, le déclin des performances avec l’âge est de 5,9% plus important chez les hommes que chez les femmes en général, et de 4,5% entre hommes et femmes suivant un entraînement.
32 ans chez les femmes, 34 ans chez les hommes…
Une seconde étude a été publiée en 2019 par la National Library of Medecine et est intitulée The Age-Related Performance Decline in Marathon Running : The Paradigm of the Berlin Marathon. Le marathon de Berlin a été choisi par les chercheurs car il semble présenter le parcours le plus rapide au monde. En effet, 7 des 10 meilleurs chronos masculins sur marathon ont été établis à Berlin. Sans compter le dernier record du monde, battu en septembre 2022 par Eliud Kipchoge.
Les chercheurs ont examiné les temps d’arrivée de 387 222 finishers (coureurs entraînés et non entraînés confondus), dont 93 022 femmes et 294 200 hommes, sur une période de 10 ans entre 2008 et 2018. En regroupant les sujets étudiés par sexe et par tranches d’âge, ils ont établi que l’âge de la performance maximale chez les femmes était de 32 ans, et de 34 ans chez les hommes.
Âge et vitesse de course : un plongeon après 65 ans
Une troisième étude due à Schneider et Al et portant sur les performances des athlètes catégorie masters participant aux Championnats d’Europe entre 1978 et 2014 donne un éclairage complémentaire. En effet, si jusqu’à présent les 2 études citées portaient sur des distances de 15 km ou de 42km, les chercheurs de cette nouvelle étude ont montré des baisses de performance liées à l’âge pour les épreuves allant du 100m au marathon. Ainsi, les résultats de l’étude de Schneider et Al pour l’épreuve du 5000m montrent que la vitesse chez les masters diminue nettement avec l’âge, et que la baisse est beaucoup plus rapide après 65 ans.
Quelles sont les raisons de cette baisse ?
La recherche scientifique montre qu’il existe des preuves claires de la diminution des performances avec l’âge. Selon l’American College of Sports Medicine, de nombreux marqueurs physiologiques ont tendance à changer avec l’âge. Parmi ceux-ci, les plus importants semblent être une diminution de la fréquence cardiaque maximale, de la contractilité du muscle cardiaque et de la capacité des vaisseaux sanguins coronaires à se dilater.
De plus, cette diminution de la vitesse peut être corrélée à une perte progressive de la force (principalement en raison de la perte de fibres musculaires à contraction rapide), à une diminution de la densité osseuse, de l’absorption d’oxygène et à la clairance du lactate. En outre, la graisse corporelle augmente.
Comment s’entraîner pour ralentir la diminution de la VO2max
C’est un fait établi que la VO2max, qui est la consommation maximale d’oxygène, diminue avec l’âge. Cependant, la recherche suggère que la diminution de la VO2max liée à l’âge des athlètes de haut niveau, qui continuent à s’entraîner régulièrement, est environ la moitié du taux de baisse de la VO2max observée chez les sujets sédentaires du même groupe d’âge.
Le Dr Time Noakes, ancien directeur de l’unité de recherche sur les sciences de l’exercice et la médecine du sport à l’Université du Cap, en Afrique du Sud, explique dans son livre Lore of Running que la VO2max diminue d’environ 10 % par décennie pour les sujets non entraînés, et que cela se produit après l’âge de 30 ans. Cependant, si les niveaux d’entraînement sont maintenus à des niveaux élevés, Noakes a constaté que cette baisse peut être réduite de moitié.
Âge et vitesse de course : la perte de masse musculaire
La perte de masse musculaire maigre, en particulier les fibres musculaires à contraction rapide, indique que la capacité de sprinter et d’effectuer des mouvements nécessitant de la puissance diminue également. Le Dr Noakes considère que chez un individu s’entraînant régulièrement, la masse musculaire est bien maintenue jusqu’à ce qu’il atteigne l’âge de 50 ans environ. Par la suite, il y a une perte de 15 % par décennie jusqu’à l’âge de 70 ans. Cette diminution devient beaucoup plus importante et plus rapide une fois l’âge de 70 ans franchi.
De plus, le temps de récupération augmentant avec l’âge, vous pourriez être susceptible de vous blesser en courant si vous ne vous concentrez pas sur la récupération. Cela signifie que les risques de développer des fractures de stress et une réduction de la densité osseuse augmentent si vous ne suivez pas un plan d’entraînement bien équilibré.
Comment réduire l’effet du vieillissement sur les performances de course ?
Si les effets du vieillissement sur les performances de course sont inévitables, voici quelques conseils pour en diminuer l’impact.
1 – Faites de l’entraînement d’endurance
Adopter la course à pied comme une forme d’entraînement d’endurance vous offre de nombreux avantages physiologiques. La recherche a démontré que, par rapport aux personnes sédentaires, la pratique d’une activité physique en vieillissant entraîne une diminution des risques de mortalité. Parmi les avantages, notons : – Moins de risque de développer des maladies cardiovasculaires et respiratoires ; – Un abaissement des taux de triglycérides et de « mauvais » cholestérol (LDL) ; – Une diminution de la dégénérescence des tissus mous liée à l’âge ; – Une fonction cognitive améliorée.
2 – Améliorez votre « économie de course »
L’économie de course est le fait de diminuer l’énergie dépensée à chaque foulée. Plusieurs facteurs entrent en jeu pour améliorer cette économie de course, dont en premier lieu le poids corporel, ou le poids des équipements, mais aussi la posture de course, la technique de foulée, le renforcement musculaire, etc. Cependant, l’importance de l’entraînement pour améliorer votre économie de course est souvent négligée. Or plusieurs études ont confirmé que l’économie de la course ne change pas avec l’âge chez les athlètes master entraînés en endurance.
Une étude sur une durée de 20 ans publiée dans le Journal of Applied Physiology a ainsi montré que le maintien d’une course à haute intensité ne modifiait pas le pourcentage de composition des fibres musculaires de type I. Par conséquent, en améliorant votre économie de course en incluant un entraînement de force adéquat, un entraînement au sprint ou des intervalles en côte, vous pouvez maintenir vos performances de course sur une période.
De plus, bien que le volume d’entraînement ne soit pas considéré comme un facteur majeur dans l’amélioration de votre économie de course, la recherche suggère que la distance totale parcourue par un coureur au cours des années d’entraînement joue un rôle dans les adaptations biomécaniques et neuromusculaires à long terme, qui sont également essentielles pour améliorer votre course.
3 – Concentrez-vous sur le repos et la récupération
Votre capacité à récupérer après une séance d’entraînement décline généralement avec l’âge. Il est donc recommandé d’avoir plus d’heures de sommeil et de repos. Il est également recommandé d’effectuer des exercices d’étirements et d’assouplissement pour maintenir une souplesse adéquate. Envisagez par exemple d’incorporer une séance de yoga hebdomadaire pour améliorer votre souplesse afin qu’une quantité de sang adéquate soit fournie aux tissus conjonctifs, ce qui améliorera la récupération.
4 – Effectuez des exercices de musculation
L’atrophie des muscles squelettiques liée à l’âge (perte musculaire) affecte à la fois les hommes et les femmes. Un article publié dans Frontiers in Physiology montre que la diminution médiane de la masse musculaire tout au long de la vie est de 0,37 % par an chez les femmes et de 0,47 % par an chez les hommes. La perte de masse musculaire maigre est principalement observée dans les fibres musculaires à contraction rapide (type II), qui sont impliquées dans des actions rapides et puissantes telles que le sprint, le saut ou le lancer.
Une façon de réduire la perte de masse musculaire consiste à faire des exercices de musculation. Une étude de 2013 publiée par Piacentini et Al intitulée Concurrent Strength and Endurance Training Effects on Running Economy in Master Endurance Runners recommande aux coureurs vieillissants de suivre un entraînement en résistance parallèlement à leur entraînement de course à pied pour maintenir leur économie de course. Incluez donc l’entraînement en force dans votre programme, associé à une quantité adéquate d’apport en protéines pour favoriser la construction et la réparation musculaires et prévenir la perte de masse musculaire maigre.
Âge et vitesse de course : en conclusion
Le vieillissement a un impact sur vos performances de course, c’est inéluctable et il faut l’accepter. Cependant, il est important de comprendre que l’entraînement, la motivation et l’endurance sont tous des facteurs qui contribuent activement à maintenir le plus possible vos performances de course, et ce quel que soit votre âge.