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Raid du Mercantour : une journaliste dans la course

Par La Rédaction , le 2 novembre 2016 - 5 minutes de lecture

Nathalie Lamoureux, journaliste, était aussi une concurrente du Raid du Mercantour, dramatiquement endeuillé (trois coureurs décédés). Elle revient sur sa propre course et les conditions extrêmles qu’elle y a rencontrées.

Samedi à partir de 14 heures, après la montée du Pas de Ladre dans la neige, la météo s’est dégradée, le ciel assombri, et les premières salves de grêle se sont déclenchées. Sur le chemin menant au refuge de la Madone (premier passage, 30 km), j’ai ripé sur un névé pas particulièrement dangereux mais suffisamment traître pour me faire chuter dans la pente en contrebas. J’ai crié puis je me suis laissé glisser. Des randonneurs se sont arrêtés et je leur ai demandé si je pouvais suivre le chemin en face plutôt que de remonter la pente neigeuse. Il y avait une rubalise. De nuit, en revanche, par tempête de neige, en état d’épuisement, je ne sais pas comment j’aurais pu trouver une issue.

A partir de 15h30, un orage de grêle a éclaté de façon plus sévère et duré une demi-heure environ puis le brouillard s’est levé. On ne voyait plus rien. J’ai failli dévier vers la droite lorsque, par chance, la brume s’est dissipée, révélant au loin la rubalise. Puis le temps s’est stabilisé. Vers 20 heures, après le passage du relais des Merveilles que j’ai quitté à 19 heures, le temps s’est dégagé. Au loin, des rayons de soleil pointaient. J’entame alors avec Guy, Brigitte et Richard la montée vers la cime de la Valette (2500 mètres). L’atmosphère se réchauffe, du brouillard se forme vers 11 heures, puis du grésil se met à tomber. Au sommet du col, c’est le début de l’apocalypse, un son et lumière grandeur nature. La grêle se met à tomber très très violemment cinglant nos joues. Les éclairs illuminent le ciel comme des lampes halogène. Puis c’est la neige et la pluie qui entrent dans la danse.

On a l’impression d’être sonné, anesthésié, de perdre le sens de l’orientation. Le passage sur certains névés devient extrêmement délicat. Le paquet de concurrents que nous formions s’espace. Je suis désormais toute seule et pas au bout de mes peines même si en descendant, j’espère une météo moins turbulente. Le plus angoissant est de ne pas savoir comment la tempête va évoluer. Arrivé à la Baisse, un drôle de bruit proche de celui d’un torrent en furie m’interpelle. En fait, c’est celui du vent dans les arbres, lequel toutes les cinq minutes se met à souffler par grosses rafales, déversant des sauts d’eau comme sur un bateau. Les chemins sont inondés. Il faut enjamber des troncs d’arbres déracinés. La scène est dantesque. Lorsque je me retrouve devant un torrent dont la puissance des flots dégueule de partout, je m’imagine dedans. Je ne vois pas tout de suite que la planche pourrie hérissée de gros cailloux, barrée par un arbre, est un pont, et que le chemin est derrière, malgré la présence de rubalise. J’inspecte les lieux et je passe. Le plus dur est qu’il faut avoir le réflexe de lever le nez pour réfléchir et avancer vite.

Les bénévoles de vrais Saint Bernard

C’est un peu le chacun pour soi. Certains sont arrivés, au refuge de la Madone, en short, dans un état de stress, de désolation et de panique, les visages bleus, les corps anesthésiés de froid. Les bénévoles ont été de vrais saint-bernard. Il nous ont pris un part un, nous ont déshabillés comme des gosses, servi du thé ,des pâtes.

La course a été neutralisée à 00h41. Les organisateurs sont alors partis tout de suite récupérer ceux qui venaient de partir du refuge de la Madone (2000 mètres, 70 km, deuxième passage) vers la cime du Piagu. Voyant la violence de l’orage, certains coureurs ont rebroussé chemin. Je suis arrivée à 2 heures au refuge, trempée mais pas jusqu’au cou. J’avais une bonne veste qui m’a bien protégée le haut. Seul mon doigt a morflé, le majeur, dont je n’ai pas encore retrouvé la sensibilité. J’avais des mitaines. Le Grand Raid du Mercantour est certainement l’un des plus difficiles trail de France. Le terrain est technique et l’environnement sauvage, voire un peu inhospitalier par moment : éboulis, arbres déracinés.

C’est justement cette authenticité que les traileurs recherchent. En cas d’aléas climatiques, la donne change. Il faut passer de l’esprit de compétition à l’esprit de survie. Le problème est qu’il est difficile parfois de se résigner à abandonner. Vers 1H45 lorsqu’une voiture m’a proposé, en pleine tempête de neige, de me déposer au refuge de la Madone, j’ai refusé car je voulais continuer. Je me sentais bien. J’avais surmonté mes peurs. Je ne voulais pas m’arrêter de crainte d’avoir froid, d’être rapatriée sur Saint-Martin à 12km et de retrouver ma tente dans un arbre.

Des choses sont à améliorer, certes, (plus de postes de secours, encore plus de balisage) car il s’agit d’une compétition. Même si le parcours était bien balisé, par mauvaise météo, la visibilité est moindre. Les gens espèrent un minimum de sécurité. La météo affichée au PGHM prévoyait des orages, de la grêle et de la neige à partir de 2000 mais pas un tel déluge. Nous sommes à la limite de la haute-montagne avec son lot d’incertitudes. Il faut le savoir et prévoir un équipement adéquat. Les organisateurs ne peuvent pas mettre des sentinelles partout. Quoiqu’il en soit, jamais je ne me serais aventurée, dans de telles conditions, hors de cette course.

Nathalie Lamoureux, journaliste et concurrente du GRM 2009

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