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Les explications de Kilian Jornet et d’Emelie Forsberg après avoir été secourus dans les Alpes

Par La Rédaction , le 2 novembre 2016 - 5 minutes de lecture

Alors qu’ils s’entrainaient hier (8 septembre) sur la face Nord de l’Aiguille de Midi, Kilian Jornet et sa compagne Emelie Forsberg ont été secourus par les gendarmes de Chamonix. Un épisode qui a relancé le débat sur la sécurité de la pratique du trail en haute montagne.

Si certains défendent leur décision comme leur réaction, nombreux sont ceux qui critiquent leur légèreté face à montagne. Un tollé sur les réseaux sociaux qui a obligé « l’Ultra-terrestre » et la traileuse suédoise, à s’expliquer aujourd’hui sur leur blogs respectifs. Ils reconnaissent humblement la suprématie de la montagne sur l’Homme.

Kilian Jornet s'est expliqué sur sa mésaventure dimanche dans son ascencion de la face Nord de l'Aiguille du Midi

Le post de Kilian Jornet sur son blog :

Le 8 septembre j’étais en train faire une course a la face Nord de l’Aiguille de Midi. On était dans un bon horaire pour sortir largement avant le mauvais temps et avec l’équipement d’escalade (glace et rocher) nécessaire. J’ai été peu prévoyant à penser qu’il y aurait des températures plus chaudes et à ne pas prendre plus de vestes. Dans le dernier ressaut rocheux on a perdu beaucoup du temps en prenant un mauvais itinéraire et en revenant par le bon.

À 50 mètres du sommet de l’Aiguille de Midi, mon accompagnant a eu un petit problème et en voyant que la météo dégénérait et que continuer pouvait nous mettre, on a décidé d’appeler le PGHM (Peloton de Gendarmerie de Haute Montagne). C’est eux qui nous ont sorti jusqu’au sommet de l’Aiguille, sans plus de soucis qu’un peu de froid. Je veux profiter de l’occasion pour remercier le travail toujours très professionnel et efficace des secouristes en montagne.

C’est une alerte. La montagne est dure et même si l’on est méticuleux elle est dangereuse. Il faut être humble face à elle car nos fautes, surtout quand on est léger, se payent cher. On doit donc accepter et être conscient des risques que l’on veut prendre individuellement et avec les personnes qu’on accompagne, en fonction de nos capacités personnelles physiques, techniques ainsi que de notre expérience.

Le post d’Emelie Forsberg sur son blog :

Je ne suis pas assez humble ? Ai-je une fausse impression de ce que je suis réellement capable de faire en montagne ? Ai-je surestimé mes capacités ?

Kilian et moi sommes partis à l’ascension de l’éperon Frendo (un des passages de la face Nord de l’Aiguille du Midi) samedi (8 septembre). Nous avions vérifié la météo, vérifié le chemin à prendre et avions à l’esprit que nous pouvions faire l’ascension jusqu’à l’éperon assez vite. Nous avons estimé le temps par rapport à nos précédentes expériences. Nous savons que nous sommes capables d’avancer plutôt vite sur ce type de terrain.

Nous avons commencé à grimper à bonne allure. Et quand nous avons rejoint la crête gelée, nous n’étions sorti que depuis quelques heures. Je me suis dit : « woooha (sic) ça va très mal se passer si on n’arrive pas au sommet avant 17h. »

Après la partie gelée, nous avons décidé d’aller vers les passages rocheux plutôt que de passer par la voie plus classique, qui était raide et gelée. C’était dans nos plans depuis les début car nous n’avions pas le matériel pour la glace.

Sur la roche, j’ai commencé à me sentir stressée. J’ai emprunté un chemin un peu instable et ne me sentais pas au mieux après la partie gelée où je me suis fait mal au pied. Nous avons mis du temps à grimper, redescendant parfois en rappel, cherchant à trouver un autre passage et tout cela a duré un moment.

J’ai commencé à avoir tellement froid que je n’arrivais plus vraiment à me concentrer. Je me sentais stressée et dépassée. Nous avons commencé à parler des possibilités : descendre en rappel, essayer de faire la dernière partie, même si nous ne savions pas si nous arriverions à rejoindre le sommet par ce passage, ou, dernière possibilité, appeler les secours.

Ça a été une décision difficile, c’est difficile de savoir si nous (je) aurions réussi à continuer sans danger. Je pense que j’aurais pu rassembler toute mes forces pour continuer, mais avec le froid et le stress, je n’étais vraiment pas sûre des risques encourus.

À 16h30, nous avons appelé les secours. Ils ne pouvaient pas venir en hélicoptère, ça a donc pris un peu de temps. Quand ils sont arrivés, ils ont été très professionnels et tout s’est passé en douceur.

J’aurais voulu qu’ils puissent nous donner une estimation pour l’heure d’arrivée. 5 heures à rester dans le froid ou reprendre ses esprits pour descendre en rappel de manière sécurisée : je ne sais pas ce qui était le mieux.

Ensuite, j’ai beaucoup repensé à tout ça et j’ai trouvé quelques réponses à mes premières questions.

Nous avons sous-estimé les conditions et n’avons pas planifié de plan B au cas où nous mettions plus de temps que la normale.

Et à la question : pourquoi partez-vous à l’ascension du Frendo avec de simples chaussures de running ? Je suppose que chacun doit trouver sa propre façon de faire les choses. Et pour moi, en tant que coureuse et grimpeuse « amateur » j’aime appréhender la montagne de cette manière. C’est comme ça que je veux faire. Et c’est comme ça que je me sens à l’aise. Ce qui est important, c’est de trouver sa propre zone de confort.

Je pensais que le Frendo était dans ma zone, mais avec ces conditions et mon erreur de ne pas prendre plus d’habits chauds, ça s’est mal passé. Je peux aussi me reprocher d’être la plus faible de notre cordée. Sans moi, Kilian aurait été capable de descendre en rappel ou de trouver un passage pour continuer. Maintenant, les gens qui n’aiment pas cette façon de faire en montagne sont bien contents de dire « regardez ce qu’on vous avait dit, c’est mal. »

Nous sommes des êtres humains. Nous faisons des erreurs et apprenons d’elles. Mais ça reste la manière que j’aime avoir en montagne. Légère et rapide.

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