Le running du futur
La course à pied avance ! Laboratoires de recherche, bureaux d’étude et d’ingénierie… la science et la technologie contribuent à repousser les limites du sport, affinent les connaissances sur le fonctionnement du corps en mouvement et balayent régulièrement nos certitudes sur la diététique et l’entraînement…
Les athlètes et leurs coaches disposent désormais d’un nombre impressionnant d’outils d’analyse de la performance et l’arsenal ne cesse de se perfectionner.
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Dans le futur, adieu au »mur » du marathon !
C’est la hantise du marathonien. Vers le 30e kilomètre, une fatigue brusque et intense, des jambes raides qui n’avancent plus. Voilà le fameux “mur” qui ruine les espoirs de performance. Un phénomène engendré par la chute des réserves de glycogène qui oblige l’organisme à puiser dans les stocks de lipides. Or la consommation de lipides ne fournit pas autant d’énergie par unité de temps que la consommation de glucides.
Le low glycogène training
En s’inspirant de la préparation des coureurs kényans ou éthiopiens, qui détiennent le leadership mondial sur le marathon et ne souffrent pas du mur, “on a conçu une nouvelle méthode d’entraînement, le low glycogène training “, explique Guillaume Millet, chercheur-enseignant en physiologie de l’exercice à l’Université de Saint-Etienne (et frère de Grégoire!)
Le principe c’est d’habituer le corps à courir avec un bas niveau de glycogène afin qu’il mette en place des adaptations qui lui permettront de ne pas être obligé de ralentir.”
Un entraînement est biquotidien.
- “On court une première séance le matin dans le but d’épuiser les stocks de glycogène. Pas forcément à jeun mais la séance est intense pour solliciter les glucides (ex : sortie d’au moins 45mn à 70%-75% de sa VO2max). Dans la journée, on ne mange aucun glucide afin de ne pas recharger les stocks de glucose musculaire.”
Au menu ? Au choix, une omelette, un bol de soupe, du fromage.
- “Le soir, deuxième séance avec un travail à haute intensité, à vitesse marathon ou séance de fractionné. pour épuiser les rares réserves en glycogène qui subsistent” et forcer l’organisme à maintenir une haute intensité d’effort dans des conditions qui s’apparentent à celles du mur. Le soir on peut réintégrer des glucides dans l’alimentation. Prudence car la privation de sucres associées à des efforts intenses pourrait fragiliser l’organisme et accroître le risque de blessures. Mais la méthode a fait ses preuves et «devrait permettre d’abattre le mur du marathon”, constate Guillaume Millet.
Dans le futur … après la VMA, la VFC !
Pour améliorer l’efficacité de l’entraînement, le chercheur conseille d’écouter son cœur. Ou plus exactement de se fier à un indice biologique : la variabilité de la fréquence cardiaque ou VFC. “C’est l’intervalle de temps entre deux pulsations de cœur», précise Guillaume Millet.
Une fréquence moyenne de 44 battements par minute devrait donner mathématiquement un battement toutes les 1,37 secondes. En fait, l’intervalle peut varier de 1 à 1, 6 seconde.
“Les personnes malades ou très faibles montrent une très faible variabilité cardiaque, leur pouls bat comme un métronome. Au contraire, lorsqu’on est en bonne santé, la variabilité est importante, signe d’un cœur réactif, performant.
Dans le domaine sportif, en mesurant régulièrement cette variabilité, on peut savoir quand l’athlète est fatigué et gagnerait à se reposer, et lui éviter ainsi le surmenage.C’est une méthode simple de suivi physiologique – il existe d’ailleurs de petits cardiofréquencemètres spécialisés-, qui permet de planifier l’entraînement et de gérer des périodes de récupération et de charge intensive.
Le haut niveau a déjà intégré cet outil.Ainsi Pascal Balducci, préparateur physique de trailers d’élite dont Julien Chorier et Erik Clavery, l’utilise pour aménager les programmes d’entraînement et de compétition.
Dans le futur … on va ralentir !
Les coureurs amateurs s’entraînent souvent trop vite, observe Grégoire Millet à Lausanne, alors que l’élite des sportifs d’endurance a déjà adopté l’entraînement dit polarisé. 80% de leur programme se fait à intensité faible donc en endurance. Le reste, ce sont des séances intenses de fractionné, autour de la V02 max.”
Les séances dites de rythme, concept d’entraînement apparu à la fin des années 70 et devenu un must jusqu’aux années 2000 paraissent peu utiles.
“Entraînez vous doucement, faites du dénivelé si vous préparez une course en montagne mais doucement”, recommande Grégoire Millet aux amateurs de longues distances. Lui-même a préparé en 2011 le plus dur des ultratrails, le Tor des Géants – le tour du Val d’Aoste en 330 kilomètres et 24000 mètres de dénivelé- essentiellement en marchant beaucoup en montagne.
Dans le futur … on connaitra notre puissance mécanique à l’appui !
Vous souvenez-vous des patinettes de votre enfance? Une bonne poussée vers l’arrière pour propulser votre engin et vous filiez de l’avant. Et bien, courez maintenant ! C’est, en substance et en résumé très imagé, ce que pourraient conseiller Jean-Benoit Morin et Pierre Samozino, chercheurs du laboratoire de physiologie de l’exercice de l’Université de Saint-Etienne/Université de Savoie et spécialistes de la biomécanique de la locomotion.
Ils disposent depuis 2010 d’un outil unique au monde d’évaluation de la foulée. “Ce tapis roulant est muni de capteurs, explique Jean-Benoit Morin, qui permettent d’enregistrer les forces appliquées par les athlètes à chaque contact du pied et des les décomposer dans les trois dimensions de l’espace : verticale, horizontale et latérale. En les associant à la vitesse, on peut calculer la puissance mécanique à chaque appui. Contrairement aux tapis de course classiques, qui ont une vitesse constante définie par le moteur, limitée au maximum à 25-26 km/h, il dispose d’un moteur qui lui permet d’accélérer quand le sujet accélère. Si celui-ci est à l’arrêt, le tapis ne bouge pas, si le coureur accélère, il déroule.»
On peut enregistrer la course de l’athlète puis en labo réaliser un bilan complet de sa foulée.” Cette évaluation peur aussi servir de fil rouge pour éviter que l’athlète ne se blesse : «On peut voir les défauts, mesurer le déséquilibre éventuel, entre les deux jambes, l’asymétrie dans la manière dont elles frappent le sol….et prévenir ainsi des blessures.
Pour démocratiser leur outil d’évaluation, les chercheurs prévoient une application smartphone : l’entraîneur pourrait filmer la course de son athlète. A partir de ces images, et grâce au logiciel qu’ils développent, les chercheurs seront capables de reconstituer les forces appliquées et de construire le profil force vitesse qui permettra d’orienter l’entraînement et le travail musculaire.
Dans le futur … Oubliez les Pasta party, c’est le règne des betteraves !
Tim Noakes, le célèbre physiologiste du sport de l’Université du Cap en Afrique du Sud, qui a couru nombre de marathons et ultramarathons, le dit lui même : toutes les pages qu’il a écrites sur la nutrition à la fin des années 80 sont à mettre à la poubelle !
A l’époque, les sucres lents étaient considérés comme la potion miracle des coureurs d’endurance. “C’était pasta party à gogo, se souvient Grégoire Millet. On ne voyait que l’aspect glycogénique avec des rations surdosées en féculents et sucres lents. Aujourd’hui, on s’intéresse à la prise lipidique et on rééquilibre avec du «bon gras» : beaucoup d’Omega 3 notamment, que l’on peut trouver avec les poissons gras comme les sardines ou les maquereaux, ou les arachides, huiles de colza, huile de noix…” Mieux vaut donc y aller doucement sur les féculents et dire adieu à la pasta party.
L’élixir de demain sera peut être … le jus de betterave. “Nos vaisseaux sanguins produisent naturellement de l’oxyde nitrique (NO), un vasodilatateur puissant. Des études anglo-saxonnes ont montré qu’une supplémentation de l’alimentation en nitrates génére une production supplémentaire de NO et favorise une vasodilation plus efficace, une meilleure circulation sanguine, souligne Grégoire Millet. Une plus grande quantité de sang parvient aux muscles, et permet une meilleure endurance et performance. Prescription du physiologiste : un verre de jus de betterave matin et
(1) Tapis ADAL 3D développé par l’entreprise HEF Tec Machine à Andrézieux Bouthéon (Loire). Depuis le Quatar s’en est procuré un.
Ça c’était avant !
Les vétérans s’en souviennent et en rigolent.
NE PAS BOIRE PENDANT L’EFFORT !
Dans les années70-80, on déconseillait aux coureurs de boire durant l’effort. Les « coachs » qui ne s’appelaient alors qu’entraineurs, disaient même :« Si tu veux gagner, donne à boire à ton adversaire!»
LE RÉGIME DISSOCIE SCANDINAVE
Puis dans les années 80-90, les marathoniens ne juraient que par le « régime dissocié scandinave » : du 6e jour au 4e jour avant la compétition, on ne mangeait aucun sucre, on buvait 2 litres d’eau entre les repas et on s’entraînait beaucoup. Puis les 3 derniers jours, on ne mangeait que des sucres tout en continuant à boire autant, et en réduisant l’entraînement. Aujourd’hui on sait que les stocks de glycogène sont aussi élevés chez les athlètes entraînés s’ils se contentent d’ingérer des sucres lents dans les jours précédents la compétition. Et c’est moins lourd à digérer !
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