Forme et bien-être

Passer à travers le « mur »

Par La Rédaction , le 2 novembre 2016 - 4 minutes de lecture

« Frapper le mur », cela arrive le plus souvent entre le 30e et le 35e kilomètre du marathon. Pourtant aucun signe annonciateur ne s’était manifesté jusque-là, les sensations étaient bonnes… Quelle est alors l’origine de cette défaillance le plus souvent irréversible et comment l’éviter ?

Par Gérard Martin & le Dr Jean-Frédéric Donati

Subitement on a l’impression qu’une résistance invisible nous bloque, impossible de poursuivre son effort normalement, comme privé de force. Il reste une dizaine de kilomètres à courir, qui vont être (très) longs car il faut considérablement réduire l’allure, marcher, voire même abandonner. Rien à voir, bien sûr, avec les sensations faciles du premier semi, ici c’est la panne de carburant musculaire.

Il importe d’abord de distinguer le vrai et le faux mur. L’hypoglycémie et la surchauffe de l’organisme sont considérées par les physiologistes comme des faux murs, au même titre que les fameuses crampes dans les quadriceps, qui obligent à ralentir, à marcher même. Le plus souvent, à l’origine de ces crampes, une mauvaise hydratation ou un entraînement insuffisant pour l’objectif chronométrique visé. Le vrai mur, lui, consiste en l’épuisement des réserves en glycogène.

Le mur existe-t-il sur d’autres distances ?

Généralement associé au marathon, on peut le retrouver sur 100 km, notamment en cas de départ trop rapide. Il interviendra entre le 40e et le 50e kilomètre et entraînera l’abandon, courir un 100 bornes dans ces conditions relevant de la mission impossible. En revanche, sur semi- marathon, le phénomène n’existe pas vraiment. On peut avoir une défaillance entre le 12e et le 17e kilomètre, mais on arrive à la surmonter, parce qu’il nous reste encore assez de réserves énergétiques pour terminer les 21,100 kilomètres.

Prévenir le mur à l’entraînement…

Frapper le « mur », c’est donc être victime d’un épuisement de nos réserves de glycogène (voir plus bas pour l’explication physiologique du docteur Donati), le «supercarburant» de nos muscles. Or, c’est dès l’entraînement, lors de nos longues sorties, qu’il faut habituer notre organisme à mettre du glycogène en réserve et vérifier que l’on n’a pas gaspillé une grande partie de ces réserves dans les 3 jours qui précèdent notre séance. C’est pourquoi nous vous conseillons régulièrement de ne pas durcir l’entraînement la veille ou l’avant veille d’une longue sortie, une séance de résistance difficile entamant irrémédiablement les réserves.

Pensez plutôt à emmagasiner le glycogène grâce à votre alimentation (sucres lents), et par des entraînements en endurance fondamentale à 70 % de votre fréquence cardiaque maximale. Avant chaque longue sortie supérieure à 1 h 45 mn, vous procéderez ainsi, vous habituant à courir avec un « plein » de glycogène, ce qui vous permettra de tenir sans aucun problème, 2 heures voire plus, tout en accomplissant quelques kilomètres à votre allure spécifique marathon. Vous vous sentirez à l’aise, terminant votre sortie sans connaître la moindre défaillance, la preuve qu’il vous reste encore du carburant.

Comme le jour J, il est très important de s’économiser en début de séance, d’utiliser en priorité les graisses, avant les glucides. La première heure sera une formalité, la seconde plus rapide, avec des fractions parcourues à votre allure objectif marathon, et sans ressentir une grosse fatigue au terme de vos 2 heures.

Vous devez pouvoir courir 30 minutes consécutivement à votre allure marathon, sans dépasser 85 % de votre fréquence cardiaque maximale. Prenons un exemple : votre record est de 4 h 05 mn et vous visez moins de 4 heures. Votre FCM étant de 185, vous devez donc pouvoir courir durant 30 minutes en dessous de 157 pulsations/minutes (85% FCM), à votre allure marathon, c’est-à-dire 10,5 km/h. Si vous êtes à 150 pulsations durant 15 minutes, et qu’ensuite elles s’élèvent à plus de 160, ce sera mauvais signe, car à ce rythme vous ne pourrez tenir votre marathon, et risquerez de rencontrer le mur, après 3 heures d’effort. Il faut donc impérativement courir à 85 % de votre FCM, 90 % correspondant à une vitesse trop élevée que vous ne pourrez maintenir en course.

L’utilisation d’un cardio fréquencemètre durant votre préparation vous permettra d’éviter une erreur d’appréciation sur votre état de forme réel. Toute erreur de surestimation est consommatrice de glycogène, une allure trop rapide (pulsations trop élevées) étant payée au comptant après 30 km de course. Ne vous surestimez pas, courez à la bonne allure et aux bonnes fréquences cardiaques, c’est le seul moyen de ne jamais frapper le mur. Avoir beaucoup de réserves de glycogène et les consommer avec parcimonie, c’est l’assurance qu’il ne se passera rien entre le 30e et le 35e kilomètre.

…durant la dernière semaine…

Cette semaine à J-7 doit absolument être consacrée à emmagasiner (grâce au fameux régime aux pâtes) et à sauvegarder toutes vos réserves de glycogène. C’est pourquoi votre entraînement est réduit, il ne s’agit surtout pas de dilapider vos forces. Vous resterez calme, serein, confiant et tout se passera bien. Associer durant cette semaine résistance dure et longue sortie histoire de se rassurer épuiserait immanquablement vos réserves. Des footings de 30 à 45 minutes suffiront.

Votre ultime semaine est capitale, sachez bien la gérer, maîtrisez vos allures, tout ce que vous faites doit être bien dosé, c’est comme cela que vous capitaliserez le maximum d’énergie pour votre objectif.

…et le jour J

Tout s’est bien passé, vous vous sentez fort, prêt à atteindre votre objectif. Reste une dernière formalité pour ne pas heurter le « mur » : freiner votre élan durant les premiers hectomètres, mais également durant les 5 premiers kilomètres. Votre rythme doit être légèrement inférieur à votre allure moyenne. Il sera bien temps de retrouver votre allure marathon après 5 kilomètres, pour ne plus la quitter ensuite. Durant ces premiers kilomètres, votre organisme va en effet utiliser les graisses, vous allez économiser votre glycogène que vous utiliserez progressivement par la suite. Surtout pas d’accélérations, pas d’efforts brusques qui dilapideraient vos réserves, soyez constant, régulier.

Si une difficulté se présente sachez ralentir, ne luttez pas contre les éléments, répartissez bien votre effort, pensez toujours à votre carburant, économisez-le au maximum, vous en aurez besoin après le 30ème km. C’est là que commence véritablement le marathon. Encore faut-il en avoir la force et surtout avoir des réserves de glycogène suffisantes pour terminer sans défaillance. Si c’est le cas vous pourrez même réussir un parfait « négative split », soit une seconde moitié de marathon plus rapide que la première avec une possibilité d’accélération dans les derniers kilomètres.

Et vous pourrez dire «le mur…connais pas…».

Un phénomène physiologique bien identifié

Le mur du marathon ne correspond pas à la fatigue ressentie en dernière partie de course, et qui, bien que pénible, n’entrave pas la poursuite d’un effort que la volonté arrive à maîtriser. Il correspond à un phénomène physiologique bien identifié. Alors que la course se déroule normalement, le coureur ressent sans aucun signe annonciateur, une baisse subite de ses possibilités avec la sensation de jambes coupées, une chute soudaine de sa vitesse alors que, par ailleurs, tout va bien.

Rien ne peut relancer la machine. Il s’agit d’un épuisement des réserves en glycogène, carburant indispensable au muscle pour soutenir un effort important et, donc, une vitesse de course rapide en rapport avec le niveau d’entraînement. Cela explique que cette situation soit surtout rencontrée chez les coureurs plus rapides dont le temps de course n’est jamais supérieur aux capacités maximales de stockage de glycogène d’un organisme humain. Car au-delà de 4 heures d’effort, l’organisme devra utiliser un autre type de carburant (les acides gras) ne permettant plus des vitesses de course rapides.

Prévenir ce type de mésaventure requiert deux attitudes : faire le plein de ses réservoirs en glycogène, et ne pas gaspiller cette précieuse énergie. Le glycogène est stocké au niveau du foie et des muscles. Sachant que le réservoir hépatique ne peut être modifié, reste le réservoir musculaire qui, lui peut être accru par un entraînement adapté, ce que Gérard Martin vous explique. Le remplissage de ces réservoirs est dévolu à la diététique composée les 5 jours précédant la course, de grandes quantités d’hydrates de carbone.

Les réservoirs ainsi remplis, le carburant sera économisé avant le départ. La prise de boissons sucrées pendant l’heure précédant le départ doit être évitée afin de favoriser la lipolyse (utilisation d’acides gras) qui peut également être activée par de petites quantités de café (trop de café risque d’entraîner une diurèse excessive préjudiciable à l’hydratation). Le glycogène sera économisé par un départ prudent sans accélérations intempestives.

Un départ plutôt lent permet d’utiliser préférentiellement les acides gras et de limiter la consommation de glycogène, économisant ainsi le précieux carburant. Un entraînement bien mené permet également de limiter la consommation de glycogène pour des allures déjà assez rapides.

Taper le mur ne présente aucun danger pour la santé, il est « juste » psychologiquement pénible.

Le mur ne doit toutefois pas être confondu avec le malaise hypoglycémique ni avec le coup de chaleur. Le premier se récupère facilement par la prise de sucre en course. Le deuxième impose l’arrêt de la course, le rafraîchissement et l’hydratation.

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