Forme et bien-être

L’abandon, Faites en un acte positif (suite)

Par gmartine , le 2 novembre 2016 - 4 minutes de lecture

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Ils témoignent

  • Michel Laurent, 41 ans, Manager conseil, Sartrouville (78), vingt-six ans de course à pied

« Savoir abandonner »
« J’ai pris la décision d’abandon sur la dernière édition du raid du Mercantour en juin dernier (97 km et 5 000 m de D +). J’avais décidé de m’aligner en janvier et pendant les six mois suivants, cette épreuve restera mon objectif principal. Tout se passait bien jusqu’à fin avril, puis une grosse mission professionnelle est venue tout bouleverser. Pendant les cinq dernières semaines, je n’ai pas de temps pour m’entraîner, et surtout mon volume de sommeil est réduit au minimum (3 à 4 heures par nuit). Du coup, je me suis présenté au départ de la course épuisé. Vers la 5e heure de course, j’ai senti que ça n’allait pas du tout. J’ai continué encore un peu, puis, après 7 h 15 de course j’ai décidé de ne pas prendre plus de risques et de pratiquer « l’abandon raisonné » c’est-à-dire lorsque la raison est capable de l’emporter sur la passion. Paradoxalement, et même si j’étais très déçu d’arrêter, mon expérience de la course (vingt-six ans) et des raids (dix ans) a fait que la décision s’est imposée à moi de façon naturelle. Je sentais que si je continuais, je prenais des risques qui ne s’imposaient pas… je le sentais, c’est tout. Grâce à cette décision, j’ai évité toute blessure, et j’ai pu récupérer assez vite. Du coup j’ai accepté l’invitation de copains pour aller faire un nouveau raid que nous avons très bien fini.
La connaissance de soi est un élément essentiel pour savoir quand s’arrêter et quand se pousser pour aller plus loin. »
Le commentaire
« L’engagement est pris, Michel est positif, confiant, cependant en cours de route il rencontre des difficultés, s’accroche physiquement et mentalement mais touche néanmoins ses limites. Michel a une attitude qu’il qualifie de raisonnée : il abandonne ! Cet abandon n’est pas vécu comme un échec, il reste dans sa dynamique de projet, il va pouvoir repartir sur d’autres courses. Il a intégré l’abandon comme possible dans sa vie de coureur ce qui ne l’empêche pas de rester dans un processus global de réussite. On peut être déçu de ne pas avoir atteint son objectif sans pour autant entretenir un sentiment d’échec. C’est évidemment une bonne attitude. »

  • Philippe Klein, 31 ans, Enseignant, Saint-Pierre (La Réunion), sept ans de course à pied

« J’ai pris ma décision sur la table de massage »
« C’est lors de ma deuxième participation à la CiMaSa (53 km, 3 300 de D +), que j’ai abandonné pour la première fois de ma vie. J’ai pris ma décision au 35e km, sur la table de massage. J’avais mal partout, j’étais épuisé et je savais que le plus dur restait à venir. Et quand la masseuse m’a proposé de me ramener chez moi dans sa voiture avec trois autres qui abandonnaient aussi, je n’ai pas hésité longtemps ! Sur le coup, je me suis demandé pourquoi tant d’heures d’entraînement pour un si piètre résultat. Je n’ai d’ailleurs toujours pas repris, mais je sais désormais que sur des courses aussi dures, il est préférable de ne pas connaître le parcours à l’avance. Un peu d’inconscience ne nuit pas à la motivation ! »
Le commentaire
« Philippe dit avoir abandonné pour la première fois de sa vie. Ce besoin de préciser l’exception de la chose montre à quel point l’abandon est difficile à accepter. Il a été convaincu par la kiné de s’arrêter, il a accepté de « lâcher » mais peut-être aurait-il dû le faire auparavant. En effet, il précise qu’il était épuisé, qu’il avait mal partout ; apparemment il s’agit d’un coureur expérimenté qui pèse certainement la force du mot « épuisé ». Philippe fait peut-être partie de la catégorie des coureurs qui s’accrochent à leur objectif, qui ont la volonté de leur engagement mais qui, quelquefois, ne savent pas « lâcher », prenant le risque de se blesser.

  • Thierry Praom, 43 ans, Chef de projet, Asnières-sur-Seine (92), quatre ans de course

« Puiser au plus profond de soi l’énergie nécessaire »
« 3 mai 2003, sur la ligne de départ du Tchimbé raid : 65 km 4 000 m D +. J’ai commencé à courir il y a quatre ans et depuis, je rêve de cette course. Le temps est limité à vingt heures et mon objectif est de finir. Mon temps estimé ? Dix-sept heures Après une année noire de course suite à des problèmes de santé, je mise beaucoup sur cette course. Je suis remonté à bloc, jusqu’à mi-parcours, là, des soucis gastriques qui vont en s’amplifiant et des ampoules me font serrer les dents. Comment tenir quand on doit s’arrêter 5 minutes toutes les 20 minutes pour réussir à absorber l’eau indispensable compte tenu de la température tropicale et des ampoules qui se forment. En piochant, en allant puiser au plus profond de soi l’énergie nécessaire pour franchir cette ligne d’arrivée et surtout aller au bout de son rêve en 16 h 12… sur un parcours époustouflant et motivant. Trois semaines après cet épisode, je m’aligne sur un 15 km à Vert-le-Petit (91). Je vise 1 h 15 maxi… je pars un peu trop vite et très vite je m’aperçois que je n’arrive pas à forcer un tant soit peu… Le mental refuse toute incursion dans l’effort… très vite les jambes ne suivent plus. Je suis largement dans les temps au 7e km, mais impossible de pousser… Je réalise alors que le choc mental du Tchimbé a été très supérieur au choc musculaire et je choisis d’arrêter au 10e km… en moins de 50 mn et en marchant le dernier km… ! La tête est usée… Beaucoup plus que je ne l’avais présumé. Je ne participerais pas non plus au Mercantour fin juin et il me faudra quatre mois pour retrouver le moral et l’envie de m’aligner à nouveau sur une course. »
Le commentaire
:« On sent dés le départ la force de la motivation au travers des mots qu’utilise Thierry. C’est cette volonté qui lui permet, malgré la souffrance, de s’accrocher. Thierry ne pose pas le problème de l’abandon en soi, il sent qu’il peut, il continue, mais au prix d’une récupération très difficile. Il y a un prix à payer. Thierry le mesure, il a perdu son ressort, il n’a plus l’envie. Il lui faut du temps pour récupérer physiquement mais aussi et surtout du temps pour retrouver son tonus mental. Les jours suivants une course difficile, on peut observer chez des coureurs qui sont allés au bout d’eux-mêmes une forme d’épuisement. De simples difficultés de concentration à un besoin de repos nécessitant un arrêt de travail. Dans ces cas d’épuisement extrême, il apparaît que le coureur aurait en effet du s’arrêter avant. »

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