Courir enceinte ? Oui mais sans forcer !
Avez-vous déjà vu ces photos de femmes au ventre bien arrondi en train de courir ? Quelques-unes le font même assez tardivement : ainsi, un tiers des coureuses continuerait la course à pied durant le troisième trimestre de leur grossesse. Cela laisse rarement indifférent. Alors peut-on courir quand on est enceinte ? Article réalisé par Fabrice Kuhn, médecin du sport.
La grossesse est l’occasion de tant de questionnements et pas seulement sur la course à pied ! Vous savez tous et toutes que faire du sport, et en particulier courir, est bon pour la santé. En revanche, continuer de pratiquer pendant la grossesse ne paraît pas si évident. Et la course à pied questionne encore plus. Si elle cristallise autant de questions, c’est que les impacts subis à chaque foulée ne paraissent pas anodins. Les questions fusent. Peuvent-elles continuer à courir ? Et si oui, jusqu’à quel terme ? Si elles le font, y a-t-il un risque d’accouchement prématuré ? Un risque pour le bébé ?
Oui au footing, non à la haute intensité
Soyons clair d’emblée : les études scientifiques ne constatent aucun impact défavorable de la course à pied sur la grossesse, que ce soit sur le risque d’accouchement prématuré ou le poids du bébé à la naissance. C’est une bonne nouvelle !
Rien ne s’oppose donc à courir enceinte et ce, quel que soit le terme. Même en fin de grossesse, cela ne pose pas de problème. Certes, il est moins aisé de courir au huitième mois qu’au premier… Toutefois, apportons une nuance. Les choses sont claires pour les efforts modérés. Un jogging ne posera pas de souci si vous restez en endurance. Les efforts intenses (plus de 90 % du VO2 max) peuvent être un peu plus problématiques, surtout au moment où l’embryon fait son nid dans l’utérus, au tout début de la grossesse.
Courir enceinte est profitable pour la femme et le bébé
En revanche, s’exercer durant la grossesse est profitable pour la femme enceinte et pour son bébé. Cela prépare l’après-accouchement et permet un retour plus rapide de la forme après la naissance du bébé, notamment via un maintien du tonus musculaire du plancher pelvien. Le risque de diabète gestationnel est moindre. Le moral et le sommeil sont de meilleure qualité. Et il y aurait moins de risques de césarienne chez les sportives que chez les sédentaires.
Courir enceinte, attention aux signaux d’alerte
Il convient toutefois de se méfier des signaux d’alerte. Mieux vaut éviter de courir pendant la grossesse si vous avez des douleurs pelviennes ou des contractions, si le col se dilate, si vous avez un placenta prævia (mal placé et situé en bas), si vous avez des fuites urinaires en courant, des pertes sanguines… Toute douleur anormale doit vous faire stopper l’effort et vous amener à consulter un médecin.
Il est parfois recommandé de faire un autre sport que la course à pied, une activité plus douce. Vous pouvez ainsi maintenir les bienfaits d’une activité physique, si importants, sans les impacts de la course à pied. Privilégiez alors le vélo d’appartement ou la natation. Le but est d’éviter le risque de chute et les traumatismes. Cela va de soi, ne vous mettez pas à la boxe durant la grossesse ! La pratique des sports de force durant la grossesse est plus débattue en raison du blocage de la respiration lors des efforts.
De multiples changements qui impactent vos efforts
Durant la grossesse, votre organisme se modifie et cela impacte vos efforts et vos sensations. Vous prenez du poids et surtout, vous le prenez sur le devant, quand votre ventre s’arrondit et que vos seins gonflent. Avec tout cela, votre centre de gravité se déplace vers l’avant, ce qui modifie votre statique (vous vous mettez en hyperlordose pour compenser), votre façon de courir, votre foulée (qui se raccourcit), vos appuis… Ne soyez pas surprise.
Votre système vasculaire se modifie pour distribuer du sang vers le placenta et le bébé. Votre fréquence cardiaque augmente naturellement de 15 à 20 battements par minute pour compenser. Votre volume sanguin s’élève pour la même raison. Tout cela permet de nourrir votre bébé.
Votre métabolisme s’adapte. Tout est fait pour apporter du glucose au bébé. Votre glycémie s’élève. Les tissus périphériques, dont les muscles, deviennent résistants à l’insuline, ce qui permet de laisser le glucose pour le bébé. D’ailleurs, il consommera jusqu’à 30 à 50 % du glucose maternel en fin de grossesse. La future maman devient particulièrement efficace pour gérer l’hyperthermie et éviter au bébé tout stress hyperthermique. Les besoins caloriques, vitaminiques, minéraux et hydriques se majorent.
Durant la grossesse, sous l’influence des hormones, votre organisme se prépare à l’accouchement. Une hyperlaxité ligamentaire se met en place. Cela permettra à votre bébé de passer plus aisément au travers du tractus génital lors de l’accouchement. Mais cela rend vos articulations plus laxes et cela majore le risque d’entorse. Faites attention à vos chevilles… Mieux vaut courir sur un terrain stabilisé. C’est pour toutes ces raisons qu’il est déconseillé de commencer la course à pied quand on est enceinte.
Courir enceinte : des capacités d’effort modifiées
Les capacités aérobies se stabilisent durant la grossesse tant que l’entraînement se maintient. Elles pourraient même, parfois, légèrement augmenter en raison des adaptations de l’organisme (volume et flux sanguin). Mais le poids pris ralentit vos efforts.
Les « petits » désagréments de la grossesse peuvent perturber vos efforts. Des nausées, des « stops pipi » plus fréquents ou un reflux gastro-œsophagien peuvent perturber vos. Mais il n’y a pas de solution miracle à ces inconforts passagers.
Le cœur du bébé ne semble pas souffrir des accélérations du vôtre à l’effort. Il accélère seulement de 10 à 15 battements par minute pendant vos efforts.
Les efforts à plus de 90 % de VO2max sont plus problématiques. La baisse du débit sanguin abdominal, afin de fournir les muscles en oxygène, peut favoriser une hypoxie transitoire du bébé.
Pour faire simple, continuez à courir, mais évitez les efforts intenses. L’intensité « jogging » est parfaite. Restez attentive aux signaux d’alerte (douleurs, saignement, contractions…) et évitez de courir dans les situations particulièrement stressantes (chaleur, altitude, chemins trop techniques…).
Après l’accouchement, prudence et progressivité
La remise en forme sera facilitée si vous vous êtes exercée durant la grossesse. Sachez que votre organisme reste « configuré » en mode grossesse tant que vous allaitez. Vous conserverez alors une hyperlaxité ligamentaire et un risque d’entorse majoré.
La reprise de la course dépendra du déroulement de l’accouchement. Si le plancher pelvien a été traumatisé (accouchement par voie basse un peu difficile), la reprise sera plus longue. Ne trichez pas sur la rééducation périnéale. En général, la reprise peut se faire à partir de six semaines après l’accouchement. Sachez que vos muscles auront « fondus ». Il faudra de la patience pour qu’ils retrouvent leurs qualités. Le retour des performances sportives peut prendre plusieurs mois, mais cela varie d’une femme à l’autre.
Une fois que votre organisme est prêt, reprenez très progressivement. Commencez par marcher. Puis ajoutez une minute de course, deux ou trois fois par séance. Une fois l’effort bien toléré, vous pouvez augmenter la durée des efforts. Passez donc à deux ou trois fois deux minutes de course entrecoupées d’une ou deux minutes de marche. Ensuite, ce sera trois minutes de course puis quatre minutes et ainsi de suite jusqu’à dix minutes de course suivies d’une minute de marche. Ce n’est qu’une fois ces étapes franchies que vous pourrez faire un jogging continu, plus classique. Toutes ces étapes devraient s’enchaîner plus rapidement si vous avez couru durant la grossesse. Mais soyez toujours patiente. Quoi qu’il en soit, courir vous aidera à retrouver votre forme et votre poids de forme plus rapidement.
Et l’allaitement ?
Si vous avez choisi d’allaiter, il vous faudra trouver des solutions pour combiner cela à la course à pied. Allaitez avant de courir paraît une bonne solution. Et bonne nouvelle, courir ne perturbe ni la qualité ni la quantité de lait que vous produisez. Votre bébé n’en souffrira pas. Au contraire, s’entraîner régulièrement en aérobie semble améliorer la qualité et la quantité du lait. Durant cette phase, surveillez les mêmes signes (ou presque) que durant la grossesse. Pertes sanguines, fuites urinaires, douleurs pelviennes doivent vous faire stopper l’effort et consulter.