Rencontres

De l’obésité au marathon en 3h15

Par gmartine , le 26 juin 2019 - 6 minutes de lecture

Quand un fantôme du passé débarque en ayant troqué son whisky pour des boissons énergétiques…

« Vous avez 189 nouveaux mails. » Voilà ce qui arrive un lundi matin quand on a décidé de couper tous les liens nous unissant au monde virtuel pendant le week-end. Alors je retrousse mes manches et plonge dans cet océan électronique, prêt à envoyer, sans aucun scrupule, une bonne moitié de ses missives dans les limbes du web. Mais je m’arrête sur un message. Sujet : « Comment tu vas ? » Expéditeur : Sébastien V. Après quelques fouilles archéologiques au plus profond de ma mémoire, ça me revient. Un fantôme d’une vie passée, celle de joueur de poker pro. Sébastien était doué. Très doué. J’avais pris l’habitude de l’éviter sur les tables de jeu en ligne, ne voulant pas vraiment lui servir de distributeur de billets. Exilé en Asie, il réussissait le petit exploit de se retrouver régulièrement avec un compte à sec tout en gagnant l’équivalent d’un RSA par jour !
Parce que Sébastien était encore meilleur fêtard que joueur de poker. Un aspirateur à alcool et à fast-food, un Gargantua avalant, en une nuit, 5 pizzas, une bouteille de whisky et un nombre déraisonnable de bières et de paquets de chips, tout en jouant sur 24 tables en même temps. Et finissant miraculeusement la session avec 3 000 € de plus sur son compte tout en présentant une alcoolémie sans doute proche du meilleur score de Gérard Depardieu…

Transformation

Grand bond en avant. Mars 2019. Sébastien est revenu en France, me propose de boire un verre. Enfin, le connaissant, « un verre » est juste une expression, une vague idée qui va se transformer en une grande orgie à la gloire du dieu Éthanol. Stratégiquement, j’accepte, mais un midi. J’ai envie de rentrer chez moi avant 5 heures du matin… Sauf que, quand il sort de la bouche de métro, je mets 30 secondes à réaliser que c’est bien lui. Une bonne cinquantaine de kilos en moins, athlétique, frais, calme et souriant alors que tout, chez lui, n’était qu’agitation et fuite en avant.
Quelques échanges nostalgiques plus tard (« Tu te souviens de la gutshot straightdraw que j’ai rentrée contre toi, quand on part à tapis au flop, à la bulle de ce MTT à 500 € ? » et autres joyeusetés pokeristiques), vient la question évidente : « Mais tu as fait quoi du Sébastien de 2011 ? » La réponse tient en une phrase : « Je l’ai éliminé à coups de course à pied. » Avec la même obstination et la même passion qu’il mettait à dépouiller ses adversaires et à ingurgiter des litres d’alcool, il s’est mis à se dépouiller et à ingurgiter des kilomètres de routes et de sentiers. « La révélation, ça a été en 2015 : je suis revenu en France pour les vacances et mon frère faisait la CCC. J’ai trouvé ça aussi stupide que magnifique d’endurer ça… »
Alors, de retour en Thaïlande, il s’équipe. « Cinq minutes de course et j’étais mort. Mais j’ai résisté, puisque je voyais que plein de joueurs pro avaient de meilleurs résultats depuis qu’ils étaient en meilleure forme. Ce qui est marrant, c’est que, peu à peu, j’ai diminué la durée de mes sessions de poker pour aller courir. Au lieu de me coucher à 3 heures du matin, j’éteignais le PC à minuit parce que j’avais une sortie le lendemain à 8 heures.
Mais je continuais à boire et manger de façon complètement anarchique. Puis, ça aussi, ça a changé doucement. Je ne vais pas te faire toutes les étapes, mais le résultat est là : ça fait deux ans que je n’ai pas touché une goutte d’alcool, la “junk food” est devenue une exception et pas la règle, je suis revenu en France, j’ai trouvé un boulot en tant qu’analyste tout en continuant à jouer une petite heure par jour au poker. Et je cours le marathon en 3 h 15. J’étais rentré dans une espèce de tunnel dans lequel il n’y avait que la fête, l’alcool et le poker qui comptaient. Plus quelques petits extras sous forme de pilules magiques… Je perdais pied sans m’en rendre compte. Il aura suffi d’une semaine à Chamonix pour que tout change. Je ne vais pas dire que la course à pied m’a sauvé l’existence, je ne peux pas le savoir. Mais elle m’a permis de retrouver ma vie… »

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