Rencontres

Carine Maignan : le sens du partage

Par gmartine , le 22 décembre 2017 - 6 minutes de lecture

Carine Maignan n’est pas une traileuse. Mais elle se passionne pour la discipline et fait vivre les événements de l’île de La Réunion sur les réseaux sociaux. Animée par cette soif de partage, elle franchit la barrière cette année et a participé au Grand Raid, pour faire découvrir la course à une personne handicapée.

C’est un tout petit bout de femme qui arrive en tenue de sport sous le pont Vinh-San, à Saint-Denis de La Réunion. Carine Maignan, 43 ans, est prête à avaler le sentier du Colorado. Elle le connaît bien. Il part de cet endroit précis, pour arriver 6 km plus loin, sur le « toit » de la plus importante ville d’outre-mer, 600 m plus haut. C’est par là que, le 22 octobre 2017, elle est censée arriver [NDLR : au moment de notre bouclage, l’épreuve n’a pas encore eu lieu], après 164 km de course à travers les trois cirques que compte l’île, les remparts, les falaises et les sentiers. Car Carine Maignan participe au Grand Raid avec l’association Réunion Aventure Joëlette. « Mais je ne suis pas une traileuse », corrige la Martiniquaise. Si elle prend part à la Diagonale des Fous, c’est en tant que porteuse de Joëlette, avec 35 autres membres de l’association. Le principe ? Faire découvrir cette épreuve et les paysages qui vont avec à une personne handicapée, installée dans une chaise sur roue. En cas de dénivelé important, un groupe pousse la chaise pendant qu’un autre la tire. « C’est intense, les relais ne durent pas plus de trois minutes », reprend Carine, qui accorde, de fait, une place importante au renforcement musculaire dans sa préparation. Elle s’est impliquée dans ce défi sans être touchée de près ou de loin par le handicap, simplement pour « voir le sourire des personnes qu’on sort de l’isolement ». En tant que porteuse, Carine, avec les bénévoles de l’association, a d’ailleurs déjà réalisé un tour de l’île par la route et un autre par les sentiers. Rédactrice web de profession, Carine Maignan vit depuis 14 ans à La Réunion. Avant d’arriver, elle fréquentait déjà un peu le monde de la course à pied, mais celui du trail lui était inconnu. Ou presque. « Je connaissais le Tchimbé Raid [NDLR : qui se déroule en Martinique], mais l’engouement pour le trail, là-bas, était inexistant il y a 10 ans. L’événement phare sur l’île, c’est le Tour des Yoles [NDLR : une compétition de voile]. » Lorsqu’elle a atterri à La Réunion, un 1er octobre, l’organisation du Grand Raid 2003 entrait dans sa dernière ligne droite. Par l’intermédiaire de connaissances sur place, Carine se retrouve rapidement jetée dans le chaudron du trail et endosse tout de suite le rôle de serre-file, ces membres du staff chargés de partir derrière le dernier coureur et d’assurer la sécurité, mais aussi de ramasser le balisage et les déchets laissés sur le parcours. Elle découvre alors que la Diagonale des Fous fait battre le cœur de La Réunion pendant trois jours sans interruption, au point que « la vie s’arrête sur l’île ».
Une relation au trail paradoxale
Paradoxalement, Carine avoue ne pas aimer le trail. « Je n’aime pas ça de l’intérieur, nuance-t-elle. Ce qui ne me plaît pas en tant que coureuse, ce sont les descentes. C’est technique et je peux perdre beaucoup de temps sur ces portions. C’est l’une des disciplines les plus ingrates du sport. Il y a beaucoup d’efforts à fournir et ce n’est pas reconnu. Pour la plupart des gens, il n’y a pas de médaille à l’arrivée, aucune récompense si ce n’est celle d’avoir terminé. Et puis, ça revient très cher, ne serait-ce qu’en termes d’inscriptions. » Autant de critiques qui pourraient laisser penser qu’elle ne nourrit finalement que peu d’intérêt pour la discipline. Pourtant, il est difficile de trouver une personne plus investie. Au point que ses reproches cachent, en fait, une véritable histoire d’amour… que rien ne laissait deviner à la base. Ses débuts sportifs sont d’ailleurs très éloignés de la course nature. « Je viens du fitness, sourit-elle. Et j’y suis encore. Je m’y réfugie. C’est un peu ma soupape, mon sas de décompression en dehors du trail. »

Un simple constat
Pour donner ses lettres de noblesse à une discipline avec laquelle elle entretient une relation visiblement compliquée, Carine ne se déplace jamais sans son iPad. Tout son temps libre, ou presque, elle le passe à informer sur les épreuves de montagne et à se déplacer pour réaliser des reportages photo ou vidéo. Elle fait donc vivre le trail plus qu’elle ne le vit, grâce à son omniprésence en ligne. La quadragénaire a débuté il y a 10 ans environ, à la suite d’un constat simple : dans un département qui compte pourtant près de 150 rendez-vous annuels, en trail et sur route, l’information est très chiche. C’est cette ferveur populaire pour la course en montagne qui la décide à s’impliquer. Elle commence donc à communiquer sur les courses de trail par le biais de son profil Facebook. Elle y poste des horaires, des informations sur la météo et des résultats.
« Un vrai travail »
Ce n’est que cette année qu’elle ouvre une page « officielle », qu’elle nomme Actu Trail Grand Raid. L’idée est d’informer les inscrits au Grand Raid. Dans la foulée, elle augmente son rayonnement et crée une nouvelle page, Actu Trail O.I (pour océan Indien), qui compte actuellement plus de 4 200 adeptes. En plus des informations pratiques qu’elle distille, Carine Maignan réalise des interviews filmées de coureurs ou d’organisateurs. « Même si je ne me rémunère pas, c’est un vrai travail. J’assiste à beaucoup d’épreuves. C’est aussi pour ça que je ne couvre pas beaucoup de courses sur route. »
Aujourd’hui, son investissement est reconnu par les forçats qui, chaque week-end, enchaînent les courses du calendrier réunionnais. « C’est cette reconnaissance des traileurs sur l’utilité des deux pages Facebook qui m’a poussée à lancer un site [NDLR : Carine a lancé une campagne sur le site de financement participatif leetchi.com pour se professionnaliser] pour offrir quelque chose de plus complet. Certains pensent que derrière ces pages se trouve un regroupement d’associations. Mais non, j’ai tout créé et je fais tout vivre toute seule. » Une belle leçon de professionnalisme venue d’une amatrice. 

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