Casquette verte : le trailer parisien qui carbure sur l’ultra
Alexandre Boucheix, plus connu sur les réseaux sociaux sous le nom de Casquette Verte, vient de remporter pour la deuxième année d’affilée la Lyon-Sainté-Lyon. Mais qui est ce coureur d’ultra-trail ? Rencontre.
Casquette Verte, un vrai titi parisien
Je viens de fêter mes 30 ans, même si j’en parait 18 visuellement ! Je ne suis plus « le petit jeune » qui découvre le monde de l’Ultra Trail, maintenant je suis officiellement un grand ! Je vis depuis toujours à Saint-Mandé, au bord du Bois de Vincennes. J’aime cette vie de parisien qui s’enfuit de temps en temps en montagne. Mais j’aime encore plus revenir à Paris après cela. Je suis viscéralement attaché à cette ville. C’est mon cocon à moi. Un grand cocon, avec beaucoup de gens qui font un peu trop la tronche dedans, mais moi j’aime ça. #AlexandreinParis #30anssinonrien
Trouver à chaque instant l’équilibre entre le temps de la vie pro, ma vie sportive et, le plus important, le temps libre que je consacre à ma compagne et à mes proches.
Je travaille au sein de l’entreprise JCDecaux, à Neuilly-sur-Seine, en tant que Chef de projets système d’information, un domaine bien éloigné de la course à pied. Je ne sauve pas des vies, certes mais j’aime ce que je fais et les gens avec lesquels je le fais. Et enfin, je suis pacsé ! Cela reste d’ailleurs mon plus grand défi : trouver à chaque instant l’équilibre entre le temps de la vie pro, ma vie sportive et le plus important, le temps libre que je consacre à ma compagne et à mes proches. L’ultra est un sport relativement, voire plus que relativement, solitaire. Mais c’est tellement génial de pouvoir partager ça avec sa moitié, et encore plus lorsque celle-ci est très éloignée de ce milieu. Cela permet de se sortir un peu la tête du guidon. Et de relativiser sur l’importance réelle de ce que je fais ! #familyfirst #theoffice
Une enfance tournée vers l’outdoor
Je n’ai pas retrouvé de médailles, de coupes ou d’autres distinctions sportives dans les greniers ou dans les placards. Je suis issu d’une famille qui a toujours aimé passer du temps dehors en revanche, même si la priorité c’était d’abord l’école et le travail. Longues (et formidables) ont été les heures de pêche le long de multiples rivières. Nombreuses ont été les balades (pas engagées) en montagne jurassienne, sur les volcans auvergnats ou plus simplement dans les bois et forêts franciliennes. Quantité de pistes de ski ont été dévalées dans le Jura. Alors non, on ne peut pas dire que je suis issu d’une famille de sportif mais clairement mon amour du sport outdoor, je leur dois. #vasjouerdehors #lamontagnecavousgagne
Les débuts en course à pied d’Alexandre Boucheix
J’ai commencé à courir en commençant ma vie professionnelle. Après 5 années d’hygiène de vie calamiteuse, je suis donc retourné vers mes anciens sports pratiqués : Le skateboard qui m’a vite ramené à la réalité de mon âge ; le handball mais trop compliqué à gérer entre les entraînements et les compétitions. Je me suis donc retrouvé un lundi matin à la machine à café du bureau, un collègue en face de moi racontant qu’il a couru 30km ce week-end par ce qu’il « prépare un 80 km dans quelques semaines », un truc qui va de Saint Étienne à Lyon. Je pensais réellement « qu’il se foutait de ma gueule ». Ça n’existe pas ce genre de chose. Il y a bien le marathon de Paris une fois par an sur France3, un dimanche matin qui annonce le début du printemps. C’est bien la seule chose que je connaissais sur la course à pied. Mais aller d’une ville à une autre en courant ? Non, impossible, ça ne peut pas exister ! Je commence donc à courir en me disant « Si lui le fait, ce mec de 45 ans, papa de trois enfants, je dois pouvoir le faire ». #saintelyon #marathondeparis
Le triptyque : Ecotrail-Templiers-SaintéLyon
Et là commence les deux années et demie qui vont me mener à mon premier ultra, la Diagonale des Fous. Je crois me souvenir que je mets quatre mois à réussir à faire un 10km. 1 an pour un semi, puis un marathon. C’était si dur au commencement… Mon physique n’était plus prêt à encaisser autant de traumatismes. Une fois le marathon passé, je bascule sur plus long avec le triptyque classique s’il en est : Ecotrail-Templiers-SaintéLyon (70-80 km). J’y ai découvert ce monde dont je ne présumais même pas de l’existence. Un tirage au sort chanceux : Me voilà sur la CCC et la Diagonale des Fous. Une fois ces deux morceaux passés, tout a basculé, chaviré même. J’étais tombé dans le grand bain de l’ultra et j’ai adoré ça, mieux j’ai très vite appris à nager. #ultratrail #unpoissondansleau
Et pourquoi Casquette Verte ?
C’est comme ça que Casquette verte est née mais que les choses soient parfaitement claires entre nous, il n’y a jamais eu de ma part une quelconque volonté marketing derrière tout ça. J’ai tout simplement mis mes baskets, je suis parti courir, j’ai partagé cela. Et des gens se sont mis à me suivre. Ça me rappelle cette scène dans Forest Gump. Il « just felt like running ». Et petit à petit sans le vouloir, des personnes qu’il ne connaissait pas sont venus le rejoindre pour courir avec lui. Il n’avait aucun message à faire passer, hormis celui du plaisir de courir, de mettre un pied devant l’autre et cette simplicité a plu.
Pour la casquette, c’est facile…. Un stock à écouler, souvenir d’un week-end d’intégration dans ma cave…
Pour la casquette, c’est facile… Un stock à écouler, souvenir d’un week-end d’intégration dans ma cave et voilà… Ce n’est plus Forrest Gump, c’est le nain d’Amélie Poulain, mon grigri que j’emmène partout en balade avec moi. Et c’est devenu ma marque de fabrique, ces photos où seule la casquette joue la star. Là encore rien de programmé, c’est juste qu’un jour une copine m’a dit qu’elle en avait marre de voir ma tête transpirante à souhait sur son fil insta au petit déjeuner ! #forrestgump #ameliepoulain
Le premier dossard ?
Il y a eu beaucoup de « premier dossard ». Le premier officiel, c’était une « Color Run » de 5km à Paris. Et déjà, c’était peut-être un signe d’ailleurs, je n’avais pas totalement compris le concept. Ce type de course est en réalité un moment de fun. Moi j’avais plutôt compris cela comme une « course » et je l’ai fait en sprint sans profiter un instant de l’ambiance.
Mais quand j’y pense, je considère toujours que mon vrai premier dossard, ma vraie « première fois » où j’ai eu l’impression de faire du trail, ce fut sur le Grand Trail des Templiers. Une distance pas si longue, mais un vrai terrain trail, des vrais ravitos trail, une ambiance trail. J’ai tout simplement adoré. J’ai terminé 1424ème et pourtant j’avais la sensation d’avoir carrément gagné la course, c’était juste incroyable ! Depuis, il y a eu beaucoup de chemin parcouru. Les sensations sont différentes. Mais je garde la même envie, et j’apprécie toujours autant l’ambiance que j’avais découvert à cette époque. #premierdossard #colorrun
Trop de courses pour Alexandre Boucheix ?
Alors oui, je sais j’enchaîne aujourd’hui les dossards… On me le reproche assez sur les réseaux sociaux ou derrière mon dos. Je n’ai pas l’impression pour autant de me mettre en danger. Et sincèrement, si j’avais le temps de faire plus, j’en ferais plus. Je sens que je suis encore loin de mes limites physiques que je cherche toujours. J’ai adapté ma manière de m’entraîner, ma manière d’aborder l’ultra-trail afin de vivre le mieux possible l’accumulation des dossards. Et j’ai la sensation d’avoir trouvé une sorte de zone de confort actuellement.
Je pense que vu de l’extérieur, ma pratique, enfin ma consommation d’ultra peut paraître énorme, dangereuse. Mais c’est une vision extérieure qui décrète cela. De mon côté, je n’ai vraiment pas la sensation d’en faire trop.
Physiquement pour l’instant, mon corps ne me le fait pas payer.
Physiquement pour l’instant, mon corps ne me le fait pas payer. Dire que tout va bien serait mentir, car ne l’oublions pas, l’ultra trail est un sport de souffrance. Mais en soit, ça va, ça passe. Mentalement, je ne ressens pas non plus de lassitude, j’ai toujours autant envie et je prends toujours du plaisir à courir. Je pense que si ce n’était pas le cas, j’aurai arrêté depuis bien longtemps.
Le vrai souci selon moi, n’est pas tant de continuer à pratiquer l’ultra tel que je le fais mais plutôt de gérer mon arrêt de l’ultra. Que cela soit physiquement, mentalement et plus concrètement dans la gestion des habitudes alimentaires ! Passer de 25 000 Kcal dépensées en moyenne par semaine, à beaucoup moins… Je pense qu’il va falloir être sérieux le jour où j’arrêterai pour ne pas mettre mon corps en danger. #courirpourmanger #chercherseslimites
Les remarques sur les réseaux ?
Le souci quand tu commences à médiatiser et à partager sur les réseaux, c’est que tout le monde te donne son avis alors que finalement toi, tu n’as rien demandé. Au début, je tentais d’expliquer, de me justifier. Ce n’était pas la bonne méthode. Cela laissait place au débat, et cela donner du crédit à la parole moralisatrice, qui est souvent plus du « snobisme » ou de la « jalousie ».
Lorsque j’ai compris que la plupart de ces messages venaient de personnes un peu trop « matrixées » par des préceptes et des règles qu’ils avaient lus par ci par là, j’ai pris du recul. J’ai enfin compris que tout cela n’était pas des paroles moralisatrices, ou envieuses, mais plutôt des réactions de surprises, d’incompréhension. Ma pratique, ma manière de faire ne rentre pas dans leurs codes, c’est tout, rien de plus.
Donc plutôt que de tenter d’y répondre, je me suis lancé dans un exercice de franchise et de pédagogie. Avec une communication plus proche de l’affirmation et de la démonstration par les faits qu’une communication par la justification. Je ne réponds pas en prenant en compte leurs règles. J’explique directement les miennes. Et je ne les mets jamais en comparaison avec leur paradigme.
Ma seule crainte maintenant serait que des gens se disent « mais si ça marche pour lui comme cela, alors je peux faire pareil pour réussir ». Ils n’auraient rien compris, ils n’auraient pas saisie l’importance de trouver sa propre méthode, sans trop perdre de temps à se poser des millions de questions. #mesregles #meschoix
Casquette verte, le plaisir avant tout !
Je ne me considère pas élite d’ailleurs. J’en parlais lors d’une soirée « post-Diagonale des fous » à La Réunion avec Grégoire Curmer qui l’a gagné en 2019. Je me suis rendu compte que nous avions deux états d’esprit très différents vis-à-vis de la course, et plus particulièrement vis-à-vis de la compétition. Il m’a expliqué que lui était vraiment poussé par une volonté de performance sportive, que ça le motivait énormément, et que ça lui permettait de faire les performances (de dingues, on ne va pas se mentir) qu’il réalise.
De mon côté, je tentais de lui expliquer que personnellement la performance sportive n’était pas mon objectif premier au sens où on l’entend. Je ne vais pas forcément sur une course en me disant « tu vas, tu dois la gagner ! ». Je l’aborde plutôt en mode bon élève, « fais du mieux que tu peux, mais ce n’est pas dramatique si ça ne fonctionne pas ». Nous trouvons tous les deux du plaisir dans la course, mais par des chemins différents.
De mon côté, je ne pense jamais avoir cette mentalité de vainqueur qu’il faut avoir pour être vraiment aux avants postes sur les plus grandes courses. Peut-être que si j’en faisais moins, si je m’appliquais à faire un calendrier de courses construit autour de deux objectifs par année, peut-être que j’aurais les capacités physiques pour le faire. Mais je perdrais tellement la notion de plaisir dans ma manière de pratiquer que je trouve que le jeu n’en vaut pas la chandelle. Je préfère donc continuer à ma manière, en profitant au maximum, en me disant que c’est déjà énorme ce que je fais en habitant à Paris, et en ayant commencé aussi tardivement la course à pied. J’ai déjà atteint des sommets que je n’imaginais même pas pouvoir atteindre. Maintenant, c’est du bonus à chaque instant. Je n’ai qu’une vie, autant en profiter ! #jouerlagagne #leplaisiravanttout
L’expérience de l’Ultra Trail Cape Town
J’ai une philosophie de vie en course à pied qui est la suivante « les pires moments font les meilleurs souvenirs ». Personnellement, le moment qui m’a le plus marqué s’est passé sur l’Ultra Trail de Cape Town en Afrique du Sud. Nous sommes au Km 40 / 50. À la mi-course, je me retrouve avec l’ensemble des membres inférieures totalement en crise de tétanie. Des crampes de l’espace qui me fusillent à l’intérieur des jambes. Je m’effondre… Je n’arrive plus à tenir debout seul. Je hurle vraiment de douleur. Je suis pris en charge par le service médical, et ramené au ravito que je venais de quitter qui était 300 mètres derrière et je suis bien entendu mis hors course par la direction de course. Et me voilà, à 12.500 km de chez moi, incapable de tenir debout dans un ravitaillement au milieu d’une course avec un statut d’abandon.
Et puis les minutes passent et je réfléchis, je réalise que tout cela n’est peut-être pas une fatalité, que je pourrais aller chercher en moi les ressources pour repartir. J’ai donc mangé et bu tout ce qu’il était possible de trouver. De la glace, des clous de girofles, du gros sel, du concombre, de tout je vous dis ! J’étais à la recherche du truc qui me permettrait de détendre enfin mon corps. Au bout d’une quinzaine de minutes, j’ai réussi à me relever. Je passe 45 minutes à réapprendre à marcher dans la souffrance en me tenant à une barrière métallique.
Par la suite, j’ai dû négocier avec le service médical pour qu’ils m’autorisent à repartir. Enfin, après 2h d’arrêt complet, j’ai repris le chemin en direction de la ligne d’arrivée. Courir m’était totalement impossible. Marcher était déjà un effort et une négociation avec la souffrance bien assez grand. J’ai réussi à parcourir les 50 derniers kilomètres en marchant. Et lorsque l’on est habitué à courir, je peux vous dire que 50 km de marche…c’est long… Très très long même. Je suis arrivé juste avant la barrière horaire.
A ce moment-là, très précisément, j’ai pris une claque, une claque très positive même, celles qui te font dire « Tu es revenu de ce que tu pensais être impossible par ta seule volonté, tu l’as rendu possible. ». Depuis ce jour, rien de ce que je peux me m’imaginer « impossible » ne le reste très longtemps dans mon esprit. #nothingisimpossible #sortirdesazonedeconfort
Sans bâtons !
Question équipement, forcément je pourrais répondre que mon préféré est une « Casquette Verte » mais ce serait trop simple, donc je pense que je vais partir sur un autre terrain. Mon équipement préféré c’est « lorsque les bâtons sont interdits ». Je m’explique ! Je considère les bâtons de trail comme une forme de triche mécanique. C’est autorisé le plus souvent, et pour avoir fait les mêmes courses avec et sans, je me suis bien rendu compte à quel point avec des bâtons, c’est quand même vachement plus simple.
Personnellement, je n’aime pas les utiliser, j’évite au maximum d’en prendre. Mais je sais très bien, que si, sur l’UTMB par exemple je ne les prends pas, je vais automatiquement prendre 1h / 1h30 dans la vue par rapport à tous les coureurs qui en auront (c’est à dire 95% des élites). C’est pourquoi, mon équipement préféré c’est quand les bâtons sont interdits, comme sur la Diagonale des Fous. Cela remet tout le monde au même niveau, et cela rajoute de la difficulté, ce qui n’est pas pour me déplaire.
Et mon ravito préféré après une sortie ? Quelle question ! Bière, bière, bière… Un peu de sommeil et une bonne entrecôte-frites ! Dans l’absolu je voudrais bien vous dire que je me cuisine un petit risotto mais voilà… Je suis un piètre cuisinier, alors pour l’instant je reste sur du basique qui a fait ses preuves. #untraileurpasunemajorette #bieresteakfrites #lasaintetrinité
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