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MARATHON D’ANNECY 2010: LE RECORD,ENFIN !

Par La Rédaction , le 2 novembre 2016 - 5 minutes de lecture

Alexandre Delore a participé au dernier marathon d’Annecy.Il nous en fait le récit…

Couru dans des conditions idéales et au terme d’un final à suspense, ce marathon d’Annecy fera date pour moi et de nombreux amis.

Dimanche 18 avril. C’est la Saint Parfait. Il est 7h30, le soleil se lève sur le lac d’Annecy. Je récupère mon dossard au centre Bonlieu, près du départ du marathon. Une bénévole me tend le précieux sésame: «888, c’est un chiffre porte bonheur! » me dit-elle, « Ah, bon ? », je ne suis pas spécialement superstitieux. En plus, c’est mon 8 ème marathon. Je commence à avoir ce que l’on appelle l’expérience. Et pourtant, j’ai l’impression de n’avoir pas encore maîtrisé, loin de là, l’art du marathon. S’infliger 42km et 195m d’une seule traite dans la tronche, cela reste un défi quelque soit l’allure. Une à deux fois par an, pas plus. Malgré des chronos homogènes (de 2h59’44 » temps réél à Paris en 2006 à 3h07’35 »), le dosage de l’effort ne m’a jamais totalement satisfait.

J’ai d’abord rêvé de marathon en voyant à la télévision l’éthiopien Bikila, l’homme aux pieds nus s’en allant chercher en 1960 l’or olympique dans une fabuleuse nuit romaine, ou encore le japonais Tanigushi, champion du monde devant son public, à Tokyo en 1991. Le Japon, pays où le marathon est roi.
J’avais 16 ans et débutait alors la course à pied au PL Pierre Bénite. J’ai voulu faire comme eux, à mon niveau; le marathon, distance de référence, épreuve d’endurance et de vitesse où le masque de la souffrance au fil des kilomètres force le respect. En 2003, lors de ma première tentative, je m’étais
promis un jour de faire moins de 3 heures. Pour le commun des mortels, je suis le coureur de l’inutile, un extra-terrestre mais pour la communauté des coureurs à pied, cela représente quelque chose de significatif, d’ailleurs bien des coureurs ont déjà franchi ce cap.

VICTIME COLLATERALE D’UN NUAGE VOLCANIQUE

Arrivé la veille au soir dans « la Venise savoyarde », candidate aux Jeux Olympiques d’hiver de 2018, je suis serein. La forme est ascendante depuis un mois (60 km d’entraînement en moyenne par semaine), après un hiver difficile. Je ne suis pas loin de mon pic de forme. Je suis fin prêt, les voyants sont au vert. Mais en arrivant à l’hôtel, mésaventure inattendue: ma chambre, réservée depuis 3 mois (!) est déjà occupée. Les hôtels affichent complets dans toute la ville. Des anglais ont apparemment prolongé leur séjour à cause d’un nuage volcanique d’Islande qui bloque tout trafic aérien en Europe depuis deux jours !! J’avais pourtant confirmé deux jours auparavant mon horaire d’arrivée, vers 21 heures. Afin de manger à la maison, à ma convenance. Le réceptionniste, après de plates excuses, me trouve in extremis une chambre d’hôtel à 1km de là. La prochaine fois, j’emmène ma tente dans la voiture, on ne sait jamais!

AU PRINTEMPS, DE QUOI REVAIS-TU ?

Au départ, l’échauffement est bref, j’en profite pour saluer quelques têtes connues: les coureurs de Bazainville, venus en nombre des Yvelines, Didier Rahm de Tassin, Yann Coutty et Benoit Fouré pour leur premier marathon et notamment Renaud Pramayon et Richard Delorme. D’autres amis comme
Christian Marcot sont dans la foule parmi les 3000 coureurs, record de participants cette année. J’étais déjà venu à Annecy il y a deux ans, avec Laurence et des amis. Organisation aux petits oignons, décor de carte postale, parcours propice à performance, ce marathon, un des plus anciens de France, est une référence. J’ai donc déjà des repères.
Confiant sur mon tableau de marche (4’15 » au km), je me cale dès l’amorce de la course dans les pas de Renaud et Richard. Renaud est une ancienne connaissance du collège, footballeur talentueux à ses heures et Richard, son copain d’Irigny, de longue date. La course à pied nous a rapproché. On
partage en quelque sorte la même vision de la course à pied: performance d’accord, convivialité d’abord!
Le parcours est grosso modo un aller-retour sur la fameuse piste cyclable qui longe un côté du lac. Alors, plus les kilomètres passent et plus l’on entrevoit ce qui nous attend. Deux courses en une, en quelque sorte.
La première se déroule comme prévu: allure régulière, peloton de coureurs des 3 heures étiré sur quelques centaines de mètres. Avec Renaud et Richard, on échange de temps à autres des paroles d’encouragements.
Renaud aime bien détendre l’atmosphère: « voici les R.A.R(es): Richard, Alexandre, Renaud ! »! s’exclame t-il en plein effort devant des coureurs médusés! Les RAR ne passent donc pas inaperçus.
Chaque ravitaillement est important. A 14 -15 km/h, les gobelets d’eau sont pris à la volée, l’eau me permettant de mieux digérer les pastilles de Sporténine, du fructose à base d’arnica, afin de mieux drainer l’acide lactique.
Il n’y a aucun temps mort sur un marathon. Ce premier semi-marathon est donc pour moi une course d’attente. Bien que concentré sur l’effort, j’ai de temps en temps une musique en boucle qui trotte dans la tête: celle de Jean Ferrat, récemment disparu, « au printemps, de quoi rêvais-tu ? ». Avec sa voix chaude et grave, ses chansons poétiques et engagées, totalement dénuées de cynisme, voilà une musique entraînante, stimulante, inoubliable.
A mi-course, passage en 1h29’31 » dans le village de Doussard. Quelques coureurs partis un peu vite commencent à décrocher. Richard dégage une impression de facilité, au moment où il prend quelques dizaines de mètres d’avance sur Renaud et moi. « Richard lâche les chevaux » dis-je à cet instant à Renaud. Nous sommes maintenant sur la route du retour. Nous nous rapprochons peu à peu du meneur d’allure des 3 heures, tandis que nous croisons le gros du peloton (3h30-4h) sur la piste cyclable. La vigilance s’impose car le bitume est relativement étroit. Les sensations sont bonnes.
L’ischio-jambier, derrière la cuisse droite, me fait parfois souffrir légèrement, mais j’amortis bien les ondes de choc sur le macadam. Après une contracture début mars, les séances de kiné portent leurs fruits. J’ai encore de la réserve.

DE L’IMPORTANCE D’ETRE CONSTANT

Peu après le 25ème km, les choses sérieuses commencent. Le peloton des 3h s’effiloche, les jambes commencent par moment à être lourdes. Je me porte à la hauteur de Richard et lui demande comment ça va: « pas comme je veux » me répond t-il. Je le sens un peu résigné, peut-être est-ce un mauvais passage, comme tout marathonien à un moment ou un autre le vit. Il cède du terrain peu de temps après. Au 30ème km, je rejoins le meneur d’allure. Quant à Renaud, il s’est éclipsé devant, quand il l’a décidé. Sûr de lui et de l’énergie qui lui reste. Sa préparation marathon s’est bien passée, il est en confiance. Comme moi, l’objectif est de faire moins de 3 heures pour la première fois, le graal du marathonien amateur. Entre le 30 ème et le 35ème km, je garde une allure constante, sur la base de 2h59′. Au 35ème km, je suis sans souci le petit groupe des 3heures. Je commence à croire en mes chances. Le meneur d’allure nous encourage « relâchez les bras, petit faux plat et ça redescend derrière, on s’accroche maintenant… ». Le public nombreux au bord de la route, enthousiaste et connaisseur, anticipe déjà par des exclamations: « moins de 3 heures! ». Je reste dans ma bulle, je suis passé tout près plusieurs fois, je sais que cela va se jouer à quelques secondes près, au bout de 180 minutes d’une course effrénée!
Au 40 ème km, le groupe 3h passe en 2h50 et 8 secondes. Tandis que le meneur d’allure ralentit au dernier ravitaillement, il s’exclame: « ceux qui peuvent y aller, c’est maintenant ! ». Autrement dit, lâcher les chevaux, ne plus calculer. Je n’ai jamais été aussi bien à cet instant d’un marathon. Le compte à rebours est commencé. On n’est jamais aussi fort dans ces instants de grâce que lorsque seul, libéré de toutes contraintes adverses, il y a comme seul repère le temps qu’égrène le chronomètre.

UN MARATHON, CA DOIT FAIRE MAL, SINON C’EST UN FOOTING !

On rentre dans Annecy, en longeant la base nautique et le port. Je ne me fie plus à mon tableau de marche et jette mes dernières forces dans la bataille. « un marathon, ça doit faire mal aux jambes, mal au ventre, mal à la tête, sinon c’est un footing » le décrit Rodolphe Jacottin, un ami coureur des Yvelines, spécialiste des longues distances. « Good morning Annecy »! Je rattrape un par un les coureurs qui me devancent, dont la 4ème féminine de l’épreuve. J’ai Renaud dans ma ligne de mire. On contourne les jardins de l’Europe par les quais, le long du lac. J’aperçois maintenant au loin l’arche d’arrivée. Mais il faut encore contourner un canal! Pour la première fois depuis le départ, je commence à ressentir de la lassitude physique et morale.Un panneau annonce « 400 mètres de l’arrivée », je pénètre enfin sur le
champs de Mars et l’esplanade du Pâquier. Je regarde la montre: 2h57’40 ».

Je suis sur orbite. Porté par une foule impressionnante et enthousiaste, je suis sur mon petit nuage et avale ces derniers mètres à grandes enjambées. Je reconnais furtivement Brieuc Pesselon, de l’ESL Pierre-Bénite, venu courir l’après-midi le semi-marathon avec Rodolphe Auvigne, également du club. La séance de 4 fois 2000m réalisée 5 jours après la foulée Vourloise (21 km), courue il y a 3 semaines, en leur compagnie avait fini par me rassurer sur mon état de forme.Les organisateurs ont déballé le tapis rouge pour la dernière ligne droite de 150 mètres. A l’arrivée , je lève les bras au ciel, c’est la délivrance: 2h59 et 18 secondes, temps officiel. 169ème sur 2500 coureurs. Voilà, c’est fait. Enfin.

Alexandre DELORE

Je tombe dans les bras de Christian Marcot et de Renaud, arrivés quelques instants auparavant. Moment d’émotion rare. Un cap est franchi. J’ai eu de la réussite aujourd’hui. J’ai l’impression d’avoir pour la première fois réalisé le marathon idéal: une seconde partie de course presque aussi rapide que la
première. Quant à Renaud, il réalise l’exploit de courir en « negative split »: il a terminé plus vite qu’il n’avait commencé. Chapeau!!! Si Richard n’a pu rééditer son chrono d’Albi de l’an dernier (2h59′), il termine honorablement en 3H03′.

Ce marathon restera gravé dans nos mémoires . J’ai envie de partager ces moments et impressions avec ceux qui m’ont encouragé ces dernières années: notamment Laurence, mon père, ma famille, les entraîneurs, les copains d’entraînement. Ils savent ce que représente la portée de l’événement. Des années d’entraînement pour en arriver là, cela vaut la peine. D’autres belles courses suivront dans l’avenir mais le quotidien reprend ses droits, il n’y a pas que la course dans la vie. Le printemps a bien
commencé. Comme le chantait si bien Jean Ferrat : « Au printemps, de quoi rêvais-tu ? D’un printemps ininterrompu… »

Alexandre DELORE
licencié à l’E.S.L. Pierre-Bénite

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