Le marathon de New York annulé
Dimanche, la météo aurait été idéale pour courir à New York — une dizaine de degré Celsius et le soleil orangé pour illuminer la skyline. Mais le marathon ne s’est pas tenu, pour la première fois depuis 1970. Les organisateurs ont annoncé, vendredi, l’annulation de l’épreuve mythique, après plusieurs jours de tergiversations. Un choc pour des milliers de runners ultra-entrainés, gonflés à bloc et totalement désemparés, compréhensifs, bien sûr, mais néanmoins follement déçus.
Malgré la tempête Sandy, Xavier, un runner grenoblois, y croyait et espérait «3h15 de bonheur ». Comme des milliers d’autres inscrits, il est arrivé en milieu d’après-midi au Jacob K. Javits Center pour y retirer son dossard. Un premier exploit, dans une ville convalescente, à moitié débranchée, qui compte les victimes et panse ses plaies. «Jeudi, il était encore temps d’annuler mon voyage, raconte-t-il. Mais les nouvelles étaient bonnes et mon vol était confirmé». Evitant les lignes de métro fermées, coincé avec des centaines de new yorkais dans un bus bondé, il a fini par toucher son T-Shirt orange floqué aux armes d’une banque néerlandaise. «Quand on nous a dit que l’épreuve aurait lieu, on a foncé», poursuit le quadra émacié. Xavier n’en revient pas, estomaqué comme tous les coureurs, quelques minutes après l’annonce de l’annulation. «Annuler, d’accord. Mais pourquoi ne pas l’avoir décidé plus tôt ?», enrage-t-il. Des heures d’effort et cinq milles euros, en pure perte. Il repartira dimanche sans son maillot de finisher.
Du marathon, les runners n’auront donc eu qu’un avant gout. Juste l’excitation —toute relative— des animations commerciales du salon « Santé-Fitness ». A peine ont-ils vu ou aperçu, pour les plus chanceux, une mégapole subitement anémiée. «Sorry, sorry, we’re sorry», s’excusent-ils à l’attention de visiteurs. Dopés par le rythme de leur ville, les new yorkais ont vécu l’après tempête comme une descente, brutale. Plus d’électricité au cœur du système financier mondial, plus d’internet, plus de café à siroter dans les gobelets en carton. Soudain, l’essentiel et le superflu manquaient. Dans la nuit noire du sud de Manhattan, mercredi encore, les «taxis drivers» avaient le regard effrayé, halluciné, hésitant à chaque carrefour en quête d’un introuvable feu rouge. «Jamais vu ça !», commentait un chauffeur qui, originaire du Bengladesh, répétait : «mon pays est mieux préparé aux inondations que cette ville». Pour une partie des new yorkais, dont le maire Michael Bloomberg et les organisateurs du marathon, l’épreuve aux 50 000 compétiteurs devaient symboliser l’amorce de la reconstruction de la ville, le retour à une vie normale. Exactement comme en 2001 : quelques semaines après les attentats du 11-Septembre, les coureurs avaient signifié que la vie était plus forte que la mort.
Une autre vision l’a cependant emporté, opposant les réjouissances marathonesques à la détresse des habitants de Staten Island et du New Jersey. Vendredi, à la une du New York Post, un quotidien populaire, la photo d’un générateur utilisé pour la course a sans doute influencé les autorités. La manchette — Abuse of Power— signifiait que l’énergie utilisée pour le plaisir des runners manquerait aux inondés, aux déplacés, aux démunis en quête d’essence pour s’éclairer ou se chauffer. L’idée d’une course de remplamenet, plus courte, a été étudiée puis abandonnée. A quelques jours de l’élection du président des Etats-Unis et du renouvellement du mandat des gouverneurs —y compris à New York— le risque politique était trop grand. Le buzz, sur les réseaux sociaux et la crainte du choc des images a eu raison de l’épreuve mythique. Tant pis pour Xavier, qui ne reviendra « probablement pas », l’année prochaine, même si un dossard sera garanti en 2013 aux déçus de 2012. «Le business repartaient fort», regrètait, après l’annonce, le démonstrateur d’une marque de sous-vêtement de compression, présent sur le salon.
De notre correspondant sur place, Daniel Bernard.
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