Courses

La peur de c(m)ourir

Par La Rédaction , le 2 novembre 2016 - 5 minutes de lecture

Eric Greff anime chaque mois la rubrique « Sourire » en dernière page du mag’. Aujourd’hui il ne sourit plus, la faute à ceux qui s’en prennent aux joggeur(se)s…

Un des plaisirs de notre sport, la course à pied, c’est le sentiment de liberté qu’il procure. Pouvoir courir dans une capitale lointaine en n’ayant dans sa valise qu’une paire de running et un short, découvrir, le temps d’un week-end, un petit coin de France en arpentant ses petites routes, voir la brume se lever avec le soleil sur le bord d’un étang, sentir la neige craquer sous ses pas, rentrer au crépuscule lorsque le ciel est orange sont des bonheurs sans cesse renouvelés.

Bien sûr, en arpentant ainsi les petites routes de campagnes, on est à la merci du type qui rentre en voiture de boite de nuit à l’aube, tellement imbibé qu’il n’arrive pas à identifier ce point vers fluo qui bouge sur le bas côté. Et, en ville, cet automobiliste trop pressé qui démarre sans avoir complètement dégivré son pare-brise et qui vous percute alors que vous êtes sur le passage clouté mais qui n’a pas pu vous voir…

Il ne m’est arrivé qu’une fois, en dix ans de course à pied, d’être effrayé. Suivant une piste cyclable qui m’allait bien, mes foulées m’ont conduit dans une cité de la banlieue de Lisbonne qui n’avait rien à envier à celles du nord de Paris. Je n’y étais visiblement pas le bienvenu. Question de territoire, de trafic menacé ? Peu importe. Je ne compris pas les mots, je saisis leur sens, je compris l’hostilité et la menace, fis rapidement demi-tour et le fait d’avoir couru vite et longtemps ce jour là ne fut pas une consolation.

Que dire aujourd’hui, dans cette actualité de nouveau tragique, de nos filles, nos épouses, nos amies, nos sœurs que nous avons encouragées à courir dans un prosélytisme enthousiaste.

Devront-elles renoncer, vaincue pas la peur de la « mauvaise rencontre » ? Devrez-vous bientôt ajouter à votre équipement un taser et une bombe lacrymogène ? Devrons-nous tous un jour courir uniquement entre midi et 14 heures dans des stades entourés de barbelés et protégés par des miliciens en arme ?

Ou revendiquerons-nous haut et fort notre envie de courir où bon nous semble et à l’heure qui nous convient en ayant une pensée sincèrement émue pour ceux et celles qui ont payé trop cher cette liberté pourtant légitime ?

Eric Greff

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