La boule au ventre
Huit semaines de préparation intensive, d’investissement personnel, l’échéance approche, l’euphorie des premières semaines a laissé place à une lassitude que seul l’objectif final permet de surmonter. Quelques pages de l’éphéméride restent à déchirer pour atteindre le jour J. Zapping de la page de la Saint-Didier, celle d’un père ou d’un frère ; œillères et tête baissée, le coureur fonce avec l’idée obsédante de SA réussite et aucune contrariété ne doit lui faire obstacle. Mais la gestion de la dernière ligne droite de sa préparation lui semble interminable. La fatigue guette, le moral vacille. Sur le terrain, cela ressemble à ce majestueux mont Saint-Michel qui se dresse devant vous lors des derniers kilomètres du marathon du même nom : vous semblez pouvoir le toucher du bout du doigt, il est si proche et si loin à la fois… car votre index devrait mesurer six kilomètres pour pouvoir caresser l’archange de l’abbaye et autant de souffrance le long de la ligne bleue à parcourir.
Mais avant de franchir cette ligne d’arrivée, les derniers entraînements deviennent souvent fastidieux et difficiles. Même le décompte des jours se met au ralenti et au plus profond de vous-même, la voix d’un visiteur surprise vous nargue : ce nouvel élément insondable qui vient vous paralyser s’appelle le doute.
Un mal parfois incurable qui perturbe le quotidien.
Cela commence par un détail, une peur de mal faire, de ne pas en faire assez. Puis le doute contamine le corps : une légère douleur, les premiers symptômes de blessure, Achille se réveille et le monde semble s’écrouler ! Véritable poison, ce doute qui se traduit en boule au ventre avant le départ, bloquant la situation tel un cheval qui refuserait l’obstacle. Que faire ? Comment l’apprivoiser ? Eh bien sachez, chers coureurs et coureuses, que le doute est partie prenante de votre vie de coureur, au même titre que l’entraînement et la compétition. Cette peur qui amène toutes les interrogations possibles, qui rallonge des minutes en heures, qui rend la dernière nuit blanche. Qui apporte aussi des situations cocasses et déjà vécues, vues ou entendues, telles que vérifier trois fois la même chose, chercher un passeport dans toutes les poches ou un dossard glissé entre deux pubs, prendre deux chaussures du même pied dans le sac de sport, parcourir 42 kilomètres la semaine précédente pour se rassurer, arriver une semaine à l’avance au point de rendez-vous, oublier un décalage horaire, intervertir sa puce et celle de sa compagne (cela donne un monsieur classé dans les premières féminines !), se brosser les dents avec la pommade antifrottement, réserver un abonnement aux toilettes… Scientifiquement, les chercheurs parlent de décharge hormonale, d’une action cérébrale qui entraîne une moindre maîtrise du geste…
Plus d’ADSL et quelques bugs, en quelque sorte !
Ce n’est donc pas tant le doute qui pose problème mais ce que le coureur va en faire. Être trop négatif est préjudiciable en effet. Il est bon de relativiser, de se dire que cela fait des mois voire des années que vous êtes coureur, de ne garder en vous que les images fortes de vos plus belles séances d’entraînement. Le corps a sa mémoire, celle-ci saura vous aider dans l’effort à surmonter la difficulté. La peur fait partie de la panoplie du compétiteur et le seul remède pour faire disparaître une boule au ventre est le coup de pistolet libérateur. Merci docteur Starter, adieu visiteur… mais qu’est-ce que tu m’auras fait douter !
Rubrique « Entre nous », par Dominique Chauvelier
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