Courses

En ce temps-là…

Par La Rédaction , le 2 novembre 2016 - 5 minutes de lecture

Les images des Jeux olympiques de Mexico de l’année précédente sont encore présentes, je collectionne les Miroir de l’athlétisme et enchaîne les tours de piste. À cette époque, la course sur route est très confidentielle. Le marathon de New York n’est pas encore né et il existe peu d’épreuves en France. Le milieu est réservé à des purs et durs, des marginaux qui, pour se qualifier à un championnat de France de marathon, doivent réaliser une performance sur 20 km courus sur piste ! Dix-huit coureurs seulement termineront le national de marathon cette année-là*, couru en plein après-midi sous la canicule. Autres temps, autres mœurs.

1969 : un gamin de 13 ans, timide et solitaire, désire pratiquer un sport individuel. Cyclisme ? Athlétisme ? Un vélo est trop cher pour oser le réclamer à mon père ouvrier, alors, sur les conseils de mon prof de gym de cinquième, je choisis la course à pied et prends ma première licence dans le club local.

« T’as rien d’autre à faire ? »

Une performance dépassant les 3 heures au marathon vous classait dans les derniers. Point de classement vétéran et interdiction aux femmes de participer. On partait faire un “footing”, car le mot “jogging” n’existait pas. Ce footing se pratiquait en campagne ou en forêt, car en ville, cela ne se faisait pas, ou alors vous aviez droit à des « T’as rien d’autre à faire ? » et autres « Va donc, fainéant ! ». Pour ma part, je préférais largement les « Allez Poupou ! » ou « Allez Mimoun ! » des rares connaisseurs sportifs.

La terminologie de l’entraînement se résumait aux mots endurance, résistance et vitesse. L’index appuyé sur la carotide au niveau du cou vous indiquait dans quel état vous étiez : moins de 140 pulsations pour l’endurance et au-dessus pour la résistance où vous pouviez alors vous en donner à cœur joie… quitte à vous cramer ! Les 120 pulsations étant sagement réservées à la récupération. Préceptes valables pour tout le monde ! Autre conseil reçu à l’époque : « Ne cours pas sur le bitume. » Pas d’autre voie pour courir que les bas-côtés, particulièrement inconfortables, mais au moins, ça faisait du renforcement des chevilles !

Mes premières chaussures sont en daim, aux semelles en caoutchouc, de chez Prisunic. Le survêtement en fuseau avec l’élastique sous le talon, le K-Way en nylon pour la pluie, le maillot Tilt en coton et le short échancré en satin flottant sur les gambettes complètent ma panoplie de coureur.

Quarante ans plus tard, mon fils s’est mis au sport

Fitness

2009 : quarante ans plus tard, mon fils s’est mis au sport… enfin, à la Wii ! C’est-à-dire devant la télé. Il a “tanné” ses grands-mères pour obtenir cette console sportive. Et je le vois gesticulant dans le salon, affublé d’un survêt’ seventies très tendance, paraît-il, et chaussé de Vans ressemblant étrangement à mes antiques chaussures en daim. Le temps des sorties à vélo et des premiers footings me semble soudain encore plus lointain. À des années-lumière.

Dehors, il fait froid. J’enfile mes vêtements techniques chauds et respirants, j’accroche l’accéléromètre à mes chaussures dernier cri, je programme mon cardio à la pulsation près pour une séance de VMA avant de m’élancer.
Le lexique a bien évolué, l’entraînement aussi est devenu un peu plus pointu. Mon plaisir de partir courir est resté le même, celui que vous vivez aussi,
une, deux ou quatre fois par semaine. Sur le trottoir, les piétons s’écartent pour me laisser passer, le regard plein d’admiration – « Vous êtes bien courageux monsieur de courir par ce temps-là… »
Sur ce plan aussi les choses ont évolué, le coureur a gagné le respect de ses concitoyens.
Qui sait, j’entendrai peut-être demain mon fils me dire :
« J’ai vendu ma Wii, je pars courir avec toi. » Gardons l’espoir !

Dominique Chauvelier
*3 août 1969 : championnats de France de marathon au Grand-Quevilly (18 arrivants) : 1er André Lacour (Clermont-Ferrand) en 2 h 33 mn 20 s

Rubrique « Entre nous », par Dominique Chauvelier

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