Mesurez votre cadence
Confrontés à une multitude de nouveaux outils de mesure des paramètres de notre course, du chronomètre à la fréquence cardiaque et à la vitesse (par GPS ou accéléromètre), nous pouvons aussi mesurer la cadence c’est-à-dire la fréquence de la foulée (le nombre de fois que le même pied touche le sol chaque minute). Est-ce un paramètre utile dans le suivi des progrès à l’entraînement, dans l’analyse de l’état de forme et enfin dans la gestion de l’effort en course ?
Cadence et type de course : quel coureur êtes vous ?
La vitesse de course est le produit de la cadence et de la longueur de foulée. Vitesse (m/min) = cadence (nombre de foulées par minute) × longueur de chaque foulée (m).
A même vitesse, la cadence dépend de la longueur des jambes : un enfant ou une femme de 1,55 m qui courent à 10 km/h vont avoir une cadence supérieure à celle d’un homme de 1,80 m. Cependant l’amplitude dépend également de la force musculaire puisqu’en course à pied, contrairement à la marche, nous décollons et avons un temps de vol pendant lequel nous ne touchons plus terre. Nous avons vaincu la gravité et (pour les spécialistes) notre énergie cinétique dépasse notre énergie potentielle (le rapport des deux donnant le fameux nombre de Froude qui permet de reconnaître la marche de la course). Ainsi nous pouvons être petit et avoir une foulée ample comme le champion éthiopien Haile Gebresselassie. Tout est question de force musculaire.
L’être humain a tout de même une cadence gestuelle préférée qui est assez proche dans toutes les activités cycliques comme le cyclisme et la course : entre 80 et 90 cycles par minute. Afin de savoir si vous êtes un coureur fréquent ou ample, amusez-vous à courir à votre vitesse de footing favorite, sur tapis roulant ou sur une piste et à compter le nombre de fois où vous posez le même pied. Si vous avez une fréquence de plus de 90 par minute (pose du pied droit par exemple), vous êtes un coureur fréquent, si c’est inférieur à 80 coups minute vous êtes un coureur ample.
Si vous augmentez votre vitesse de course, vous allez observer que la fréquence ne va pas changer mais que l’amplitude seule va augmenter jusqu’au seuil d’amplitude auquel vous allez chercher à accélérer en augmentant la cadence, n’ayant plus la force suffisante pour vous propulser plus loin à chaque pose de pied. En principe cette limite arrive à une vitesse qui correspond à votre vitesse maximale sur 1 km.
Le type de chaussure de course peut légèrement influencer la cadence. Samuel Lovey de «Planet endurance» a mis il y a quelques temps en évidence une variation de 8% de la cadence en fonction du type de chaussure : les dynamiques propulsant le coureur en avant.
Est-ce utile de chercher à changer sa longueur ou sa cadence de foulée à l’entraînement afin d’augmenter sa vitesse ?
Il ne faut pas prendre le problème à l’envers : changer sa foulée ne va pas permettre d’aller plus vite à capacité énergétique égale. En effet, nous avons tous une cadence optimale à un instant de notre état de forme donné et selon notre morphotype, qui va permettre d’être le plus économique. Cette cadence peut changer avec l’entraînement et va généralement en diminuant avec le gain de force et de forme. Nous allons donc à présent considérer l’utilité du suivi de votre cadence intégré dans le suivi de votre entraînement.
Cadence et suivi de l’entraînement
Reprenons notre test à vitesse de footing sur tapis roulant ou piste. Vous vous êtes préparés pendant 4 à 8 semaines et vous désirez savoir si vous avez gagné en force spécifique c’est-à-dire dans la capacité d’accélérer vos jambes.
Donnons un exemple concret :
En janvier, votre vitesse de footing est de 11 km/h soit 183 m/mn et votre cadence de foulée de 90 à la minute. Votre amplitude de foulée est donc 183/90 = 2,03 m d’amplitude (vitesse / cadence).
En mars, vous comptez une cadence de 85 à la minute soit une amplitude de 2,16 m.
Cela montre un gain de force qui vous permettra, en tournant moins vite les jambes d’épargner cette énergie de rotation sachant que le coût énergétique de la foulée est surtout dû à cette rotation, et en particulier au retour de la jambe libre (tout comme les oiseaux coureurs comme la pintade ou l’autruche selon nos collègues physiologistes animaliers).
Vous pourrez aussi remarquer que votre vitesse préférée de footing a augmenté de presque 10%. Ainsi à sensation égale, vous allez plus vite, et à même vitesse cela vous parait plus facile et vous le faites avec une plus longue foulée et une cadence moins rapide. Cela peut être comparé à un cycliste qui a moins besoin du petit développement pour franchir la même côte.
De ce fait, un couple cadence-amplitude (qui vous donne la vitesse), en parfaite harmonie vous permet de consommer moins d’énergie par mètre parcouru.
Rappelons que la course est une affaire d’endurance avec une zone de vitesse qui va vous permettre de couvrir une distance donnée dans le temps le plus court possible.
Tout est une question de dosage de l’intensité (vitesse en km/h par exemple ou allure en minute par kilomètre). Ce dosage ne doit pas se centrer sur la cadence ou l’amplitude, mais sur la sensation qui va vous guider dans votre effort. Le problème est que si vous êtes en méforme, malade ou dopé (oui, sérieusement les sportifs dopés ne sentent plus leur corps et ont besoin d’avoir des partenaires pour pouvoir suivre une allure), vous ne sentez plus votre corps : il est impossible alors de lier une sensation à une donnée objective de vitesse et/ou de cadence de foulée. Cela s’apprend et il vous sera alors bientôt possible de courir à une vitesse (12 km/h par exemple) ou à une allure précise (5 minutes au kilomètre) sur une simple consigne de vitesse ou d’allure physiologiques et mécaniques.
Puisque nos cardiofréquences mètre nous permettent d’avoir non seulement notre fréquence cardiaque mais aussi notre vitesse (par GPS et accéléromètrie), notre altitude et notre cadence de course, l’utilité de ce dispositif est de suivre vos progrès en matière de couple : sensation-vitesse-cadence avec l’entraînement mais également au cours de la course.
Cadence et gestion de course.
L’utilisation de la cadence permet de détecter la fatigue en course afin de mieux la gérer en dépit de la fatigue croissante. Si vous courez le 5 000 m, vous n’aurez que le temps de gérer vos sensations (et encore peut être pas si vous subissez le rythme de vos adversaires…).
En revanche, si vous courez un semi-marathon et au-delà, il est tout à fait intéressant de suivre l’évolution de votre vitesse et votre cadence au fur et à mesure des kilomètres. Sur un marathon, par exemple, cela prend tout son sens. Considérons l’exemple du Marathon de Paris. Vous partez trop vite même avec les meilleures intensions du monde : vous ne sentez pas la fatigue et votre perception n’est pas fiable. Vous êtes comme dopé (sécrétion d’adrénaline qui vous ferait soulever les montagnes), vous consultez votre vitesse : elle doit être inférieure à 90% de votre vitesse record sur semi-marathon. A partir du 10e kilomètre, vous allez constater que votre cadence augmente car vous cherchez à maintenir votre vitesse à tout prix alors que la fatigue musculaire survient.
Lâcher un peu prise et autorisez-vous des micros récupérations sur 5 kilomètres par vagues de 500 m dans une fourchette de 1 km/h. Puis à partir du 35e kilomètre, la vitesse va chuter par la baisse de l’amplitude. La solution est de raccourcir un peu plus la foulée et d’augmenter votre cadence par vague de 500 m comme si vous changiez de braquet. Vous pouvez allez jusqu’au trot du chien : super économique en décontractant vos bras avec de toutes petites foulées. Il est conseillé d’apprendre à le faire à l’entraînement en footing (les Africains font souvent de joggings de ce type, soit des sorties ou des passages très lents avec des petits pas).
Il est nécessaire d’apprendre au corps à jouer sur toute cette palette de fréquence et d’amplitude et sur toute une gamme de vitesse. Le défaut du coureur de fond étant de s’entraîner toujours à la même sensation, à la même vitesse, à la même fréquence cardiaque et à la même cadence. Peu de sports peuvent se targuer d’être aussi monotones dans leur gestuelle, même si je vous l’accorde, regarder le carrelage de la piscine en nageant ne permet pas une très grande variété dans l’échange si ce n’est avec soi-même et son effort.
Nous avons le paysage, le bavardage et pimentons un peu plus notre course par la variété du geste qui va faire de nous des coureurs un peu artistes pour surement plus de plaisir et de rigolade à voir les autres le faire. Nous pourrons imaginer de revêtir les bottes de 7 mètres de longueur de foulée pour de nouvelles sensations. Avis aux marques de chaussures à ressort. Pour l’heure nos muscles sont nos meilleurs ressorts et nous pouvons les faire travailler à des fréquences de raccourcissement différent pour qu’ils puissent s’adapter à la fatigue en course.
Véronique Billat, professeur à l’université d’Evry Directrice du Laboratoire d’Etude Physiologique à l’Exercice (LEPHE : www.lephe.fr).
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