Courez à l’instinct !
À quoi ressemblerait une vie de coureur délesté de sa montres GPS, de son cardiofréquencemètre et des autres matériels qui le suivent à la trace lors de sa pratique ? Essayons donc de « débrancher » un peu, afin d’apprendre à traduire les signes de notre organisme.
La course à pied a connu une véritable révolution technologique ces deux dernières décennies. Qu’il semble loin le temps où, à la fin d’un footing, le coureur prenait son pouls en comptabilisant les battements de son cœur du bout des doigts, pour évaluer l’intensité de sa session. Aujourd’hui, les GPS, cardiofréquencemètres et autres smartphones ou bracelets connectés sont les compagnons de route de milliers de coureurs. Pourtant, sans se montrer ni passéiste ni nostalgique, il est parfois important d’oublier un peu la technologie pour se recentrer sur ses sensations. En effet de nombreux coureurs « obnubilés » par les données affichées par leur montre oublient que de nombreuses informations nous sont envoyées directement par notre corps. Tout coureur aura déjà fait l’expérience d’un entraînement réalisé à la même intensité (même vitesse ou même FC moyenne) avec, pourtant, un ressenti très différent d’un jour sur l’autre. Ainsi, un footing de 45 minutes réalisé avec facilité à 140 pulsations/minute de moyenne le mardi pourra être géré avec beaucoup plus de difficulté le jeudi si l’on veut conserver une FC identique. Ceci démontre que les réactions de votre organisme ne sont pas standardisées et que, chaque jour, votre corps s’adapte à de nouvelles situations qui produisent des effets plus ou moins importants.
Pourquoi courir à l’instinct ?
En apprenant à courir à l’instinct, vous allez personnaliser votre entraînement en adaptant sa quantité et sa qualité à votre état physiologique du moment. Chaque journée étant différente, vous n’allez pas aborder votre entraînement avec la même « charge » de fatigue physique ou psychique. Une fatigue physique importante se traduira par des sensations de manque de tonicité, de jambes lourdes ou tout simplement d’une incapacité à allonger la foulée. Une fatigue du système nerveux central pourra se traduire par une FC élevée dès le départ ou, à l’inverse, par une incapacité à atteindre une plage d’effort. Il ne faut pas oublier que votre FC révèle votre état de forme du moment et que celle-ci va varier tout au long de la journée selon votre fatigue, le moment de la journée (matin, après-midi ou soir) et votre état psychologique. Certains entraîneurs utilisent même la variabilité cardiaque (c’est-à-dire la régularité du temps entre chaque battement) pour évaluer la capacité d’un coureur à réaliser une séance contraignante. Cependant, sans aller jusque-là, courir à l’instinct permet de mettre en place un entraînement davantage personnalisé, qui reste à l’écoute des messages envoyés par tout notre organisme. Ainsi, courir à l’instinct, c’est se placer en spectateur des messages échangés en permanence par votre cerveau (l’unité centrale) et le reste de votre corps. Analyser ces échanges pourra vous permettre :
- – D’éviter les blessures et les périodes de surentraînement. Ainsi, au lendemain d’une séance difficile, vous effectuerez votre footing à une allure permettant une complète récupération musculaire, alors qu’en vous callant simplement sur une FC, vous risqueriez peut-être de dépasser vos capacités de récupération.
- – De gérer avec plus d’efficacité vos allures d’entraînement et de compétition. Vous allez développer une capacité à mémoriser les zones d’efforts qui pourra vous permettre de vous affranchir d’une montre, d’un GPS ou d’un cardio pour une séance en nature ou le départ d’une course.
- – De familiariser votre unité centrale (le cerveau) avec des intensités d’efforts soutenues. Courir en se basant toujours sur les valeurs affichées par un cardio peut, en quelque sorte, « déprogrammer » votre cerveau. Ce dernier analyse alors toute intensité « inhabituelle » ou dangereuse, et induit une baisse de régime (théorie de Gouverneur central, de Tim Noakes).
- – De développer votre PMA (Puissance Maximale Aérobie) et votre VMA (Vitesse Maximale Aérobie) en adoptant un entraînement plus dynamique.
Le mode d’emploi :
Nous vous vous proposons de découvrir trois séances clefs que vous pouvez intégrer dans votre entraînement, par exemple avant de débuter un plan d’entraînement traditionnel.
L’idée n’est pas de vous proposer de ranger définitivement dans un tiroir votre montre mais bien d’associer une analyse de vos sensations avec les données affichées sur l’écran.
La séance sans montre :
C’est l’entraînement le plus simple à mettre en place. Il s’agit d’un footing en endurance, dont la durée est définie à l’avance (par exemple, 45 min), mais que vous allez réaliser sans montre. Vous devrez donc faire ce footing sur un parcours connu, pour lequel vous savez que la distance correspond à la durée prévue. Durant la sortie, vous devrez adopter une allure confortable tant d’un point de vue respiratoire (pas d’essoufflement, vous pouvez parler sans problème) que musculaire. À l’arrivée, amusez-vous à deviner la durée réelle de la sortie. De fait, sans point de repère, vous effectuerez cette sortie au plus près de vos capacités du moment.
Le vrai fartleck :
Le fartleck ou jeu de course a été mis en place par l’entraîneur suédois Gösta Holmér, afin de proposer une méthode d’entraînement « fractionné » naturelle à ses athlètes. Reprenant ce principe, vous allez exécuter une sortie durant laquelle vous réaliserez des accélérations de 1 min 30 à 2 min en terrain naturel, suivie d’une récupération en trottinant doucement et d’une durée… que vous choisirez ! Concrètement, le contenu de la séance est déterminé (par exemple, 6 x 2 min à 90 % de FCM). Toutefois, comme vous n’avez pas le droit de regarder votre cardio, il va falloir gérer cette accélération de façon à ressentir que votre organisme s’adapte fortement, avec une fréquence et une amplitude respiratoire très élevées. À la fin des accélérations, vous pouvez valider l’allure en jetant un coup d’œil sur votre montre). L’accélération suivante débutera lorsque vous sentirez que votre fréquence cardiaque sera redescendue au niveau qui était le sien avant l’accélération. Lors de la première séance, vous allez peut-être partir un peu trop vite ou ne pas récupérer assez longtemps, mais c’est grâce à ces petites erreurs que vous progresserez dans la connaissance de votre physiologie.
La séance devinette.
Il s’agit tout simplement, au cours d’un footing en endurance, de placer une séquence au seuil comme suit : Exemple pour un footing de 1 h 15 min : 30 min en endurance, puis 6 min à 85 % de votre FCM, suivies de 2 min de récupération, puis 4 min à 85-88 % de votre FCM, puis 2 min de récupération puis, enfin, 2 min à 90 % de votre FCM. Lors de chaque accélération, vous devrez essayer de deviner à quel moment vous avez atteint la bonne zone d’effort. Pour cela, vous n’aurez plus qu’à jeter un coup d’œil sur votre cardio.
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