2 marathons d’affilé, une folie ?
Vous l’aurez remarqué, la tendance est au « toujours plus ». Si prendre part à l’une des épreuves de l’UTMB implique de courir de nombreux trails longs afin d’acquérir les points nécessaires à l’inscription, les « routards » se mettent désormais aussi à enchaîner les semis et marathons à une cadence de moins en moins raisonnable.
On ne compte plus le nombre de coureurs qui enchaînent les 42 km à un rythme effréné avec, parfois, des performances surprenantes à la clef. Depuis quelques années, le Japonais Yuki Kawauchi défraie la chronique en courant au moins un marathon par mois, avec des chronos de haut niveau (plus de 75 fois sous les 2 h 20). Autre phénomène, l’Américain Michael Wardian qui, en 2017, a battu le record du World Marathon Challenge : sept marathons sur sept continents en sept jours. Son temps moyen : 2 h 45 min 57 s. Il n’en était pas à son premier défi, puisqu’en 2006, il avait déjà gagné quatre marathons (sur cinq participations) en l’espace de 45 jours. Et que dire de l’Anglais Rob Young, qui a couru la distance du marathon chaque jour pendant un an.
Un pari risqué ?
Même si nous sommes loin des cas présentés ici, cet enchaînement de deux marathons dans un laps de temps réduit se révèle tout de même un pari très ambitieux – et potentiellement dangereux. Non pas que nous voulions être alarmistes, mais il est bon de rappeler que courir un marathon n’est pas anodin. Parlons déjà des courbatures, qui ne sont rien d’autre que de véritables microlésions anatomiques des fibres musculaires, accompagnées d’œdèmes avec épanchements de sang dans les espaces extracellulaires engendrés par la rupture de capillaires sanguins. Sur le plan biologique, on retrouve, de façon retardée, une élévation sanguine des enzymes musculaires telles que la créatine kinase (CK) ou le lactate déshydrogénase (LDH), et des métabolites de la dégradation conjonctive (en particulier hydroxyproline et hydroxylysine). Si la douleur liée aux courbatures apparaît le lendemain de l’exercice physique et s’intensifie dans les deux jours post-exercice avant de disparaître progressivement en trois à cinq jours, les altérations structurale et fonctionnelle peuvent, quant à elles, durer une à deux semaines avec, à la clef, un déficit de force, de puissance et de souplesse musculaires. Plus inquiétant, certaines études ont mis en évidence qu’une course comme le marathon entraînait des dysfonctionnements cardiaques (irrégularités diastoliques, diminution de la fonction de pompage du ventricule droit) et rénaux temporaires pouvant aller de 48 h à deux semaines ! Enfin, il faut envisager l’augmentation du risque de blessures qui interviendra dans les semaines qui suivent la réalisation de ce type de challenge, à commencer par toutes les pathologies dites inflammatoires ou de sursollicitation comme les tendinopathies, périostites et autres fractures de fatigue.
Les conditions
Ce challenge est envisageable pour des coureurs avertis, possédant un background athlétique de plusieurs années et déjà de nombreux marathons à leur actif. Le corps gardant en mémoire les bénéfices des entraînements et compétitions passés au fil des années, l’expérience et le foncier accumulés seront une condition sin equa non avant de se lancer. La préparation doit également être à la hauteur de cet enchaînement ambitieux, avec un kilométrage hebdomadaire équivalent ou supérieur à 80 km dans les semaines précédant l’échéance. Autre préalable essentiel, l’examen médico-sportif complet avec test d’effort et analyse sanguine, afin d’écarter toute anomalie de santé. En revanche, ne vous fixez pas un tel objectif si vous vous êtes mis sur le tard à la course à pied, qui plus est si vous avez un passé de fumeur, une alimentation déséquilibrée ou que vous êtes en surpoids !
Gérer l’enchaînement
J’ai tenté différentes expériences d’enchaînement à une semaine d’intervalle et je peux vous dire qu’il est quasiment impossible de réaliser deux bonnes prestations de file. En fait, deux possibilités s’offrent à vous. Soit vous courez le premier marathon à fond et le second pour le plaisir, avec de grandes chances tout de même de vivre une longue agonie sur la fin de course du second marathon, soit vous utilisez le premier marathon comme une sortie lente et longue et vous courez le second à fond. Compte tenu de l’impact d’une telle épreuve courue à fond, je ne peux que vous conseiller d’opter pour la deuxième option. Même si une sortie lente de 42 km à une semaine de l’objectif est un pari risqué par rapport à vos chances de performance (aurez-vous complètement récupéré ?), il l’est moins par rapport à votre santé !
Récupérer entre les deux courses
Partant sur la seconde option (marathon sortie longue puis marathon à fond), la réussite de ce challenge va reposer sur votre récupération (outre votre préparation, bien sûr). Cette récupération commencera avant même le premier marathon : vous devrez vous assurer de débuter la course avec des réserves pleines de glycogène (glucides stockés dans les muscles et le foie). Pour cela, le protocole alimentaire des jours précédant la course doit comprendre 10 g de glucides par jour et par kilo de masse corporelle. À vos calculatrices ! Pendant le premier marathon, il sera également important d’ingérer régulièrement des glucides (autour de 50 g par heure) sous quelque forme que ce soit, liquide (boissons énergétiques) et/ou solide (barres énergétiques, gels, fruits secs ou encore bananes mûres). évidemment, vous n’omettrez pas les protéines, lesquelles vont permettre à vos tissus musculaires de récupérer de manière plus rapide. Dans le feu de l’action, en termes d’hydratation, le conseil qui prévaut est de boire selon votre sensation de soif et toujours par petites quantités.
Une fois la ligne d’arrivée franchie, il faut penser à bien s’hydrater avec de l’eau et des boissons sucrées. Ou mieux encore, avec du lait chocolaté, la meilleure des boissons de récupération. Lors des repas post-course, on peut reconduire les règles du protocole alimentaire hyperglucidique d’avant-course.
Entre les deux courses, vous pouvez accélérer les processus de récupération par différents moyens : le sommeil, pilier indispensable de la récupération physique et nerveuse ; l’application de froid pour son action antalgique et la réduction des processus inflammatoires ; l’électrostimulation pour son action de massage rythmique qui va augmenter les échanges circulatoires et l’élimination des métabolites musculaires ; le port de vêtements de compression dans les heures qui suivent le marathon ; des massages ; ou encore une supplémentation en acides aminés et en glutamine. Cependant, évitez de recourir à l’automédication ! Côté entraînement, le repos complet entre les deux courses semble le plus adéquat, tout du moins plus que des footings courts et lents. Si rester inactif vous pèse, optez pour une séance de récupération en piscine ou à vélo (elliptique ou non).
Vous voilà prévenu, informé, voire mis en garde. Pourquoi pas ne pas profiter d’une semaine supplémentaire entre les deux marathons ou bien enchaîner un semi et un marathon en deux semaines (ou mieux, un marathon puis un semi). Vos chances de réussir le challenge n’en seront que plus importantes et votre corps vous en saura gré !
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