Les fractures de fatigue du pied
Le pied concentre un tiers des fractures de fatigue du coureur et la course à pied en est le principal sport pourvoyeur. Pour autant, course, pied et fracture ne forment pas forcément un trio indissociable, à condition de veiller à quelques règles simples.
Notre équilibre osseux est sous la dépendance de deux types de cellules : les ostéoblastes, qui fabriquent de l’os, et les ostéoclastes, qui le détruisent. Mais ces deux actions ne sont pas simultanées : les ostéoclastes, qui sont stimulés par un effort mécanique, créent des microfissures qui seront ensuite comblées par les ostéoblastes. Entre ces deux phases de destruction-construction qui se chevauchent existe une période de fragilité osseuse maximale qui nous conduit à introduire la notion de fracture par insuffisance osseuse temporaire.
Par ailleurs, on ne saurait parler de l’os sans son environnement immédiat qu’est le muscle. Les muscles sont de véritables haubans pour le squelette, qui engainent les os longs et participent à rendre cet ensemble beaucoup plus résistant. Mais quand le muscle fatigue et absorbe moins bien les chocs, les contraintes sont reportées sur le tissu osseux. Pire : les tractions anormalement élevées et mal synchronisées des muscles fatigués sur leurs insertions osseuses sont pour certains os directement en cause dans la survenue de la fracture de fatigue. En l’absence de traumatisme brutal (coup, choc, chute…), on peut donc considérer la fracture de fatigue comme une inadaptation transitoire de l’os à l’effort.
Parmi les facteurs favorisant les fractures de fatigue, on note : l’ethnie (les Noirs américains sont moins touchés), le sexe (les femmes sont plus touchées, pour des raisons hormonales et nutritionnelles), le matériel (qualité d’amortissement des chaussures), le poids (la masse du corps est multipliée par 2,75 lors de la marche, par 5 lors de la course et par 7 lors de la course en descente) et, bien entendu, l’état de fatigue et la période dans la saison sportive (ce type de fracture se produit souvent en début de préparation ou chez les débutants).
Cependant, chez le coureur à pied, la fracture de fatigue apparaîtra le plus souvent lors d’une augmentation du rythme de l’entraînement, tant en durée qu’en intensité, ou bien à l’occasion d’un changement de chaussures ou de terrain (passage de chemins forestiers au macadam, par exemple).
Signes cliniques et diagnostic
Au début, le sportif consulte pour des douleurs à l’effort peu intenses avec des signes locaux discrets, comme un léger œdème, mais, surtout, une douleur à la palpation précise de la zone, douleur augmentée à la percussion de l’os atteint. Petit à petit, les douleurs deviennent permanentes et de type mécanique, diminuant à l’arrêt de l’effort et disparaissant totalement au repos.
La radio étant trop longtemps normale avant que se voie un trait de fracture (un mois), on aura recours à d’autres techniques pour établir rapidement un diagnostic. Pour une efficacité maximale, il faut procéder à une scintigraphie osseuse, un examen très sensible qui détecte 100 % des fractures. Elle doit être réalisée dans un centre spécialisé et nécessite une injection de produit radioactif qui va se concentrer sur la fracture.
L’IRM montre aussi précocement des signes indirects de la fracture, mais son coût est élevé et le délai d’attente souvent important. Le scanner peut être utile, mais avec des signes plus tardifs. L’échographie peut repérer d’éventuels phénomènes œdémateux ou hémorragiques péricorticaux. Là encore, l’analyse au niveau des os superficiels (métatarsiens) est bien plus performante.
Traitement et prévention
Le traitement sera très variable selon l’os atteint et le type de fracture, mais le repos sera incontournable, adapté selon la localisation. Cela signifie l’arrêt total de la course à pied mais pas nécessairement l’arrêt sportif ; les activités ne sollicitant pas le membre inférieur peuvent être poursuivies (le vélo et la natation sont très bons pour l’entretien des qualités cardiovasculaires du coureur arrêté). Dans certains cas, une immobilisation plâtrée peut être proposée, et le recours à la chirurgie n’est pas rare sur certaines fractures du pied (scaphoïde tarsien par exemple). La reprise de la course n’est en général autorisée qu’après trois mois au minimum.
Pour ce qui est de la prévention, au niveau du pied, il faudra rechercher un trouble de l’appui et proposer, le cas échant, des semelles thermoformées de correction. Il convient aussi de toujours veiller à la qualité des chaussures de course : qu’elles soient évidemment adaptées à la morphologie du coureur et pas usées. Enfin, le plan d’entraînement du coureur ne doit pas être négligé, notamment la possible surcharge brutale, en nombre de séances comme en intensité.
Les fractures de fatigue du coureur à pied Les fractures de fatigue sont de véritables fractures osseuses survenant sur un os sain par microtraumatisme et hypersollicitation du système ostéo-articulaire. Voici leur répartition sur le corps du coureur : 48 % sur le tibia 25 % sur les métatarses (os longs du pied) 10 % sur le péroné 7 % sur la hanche, le fémur ou le col fémoral 7 % sur les tarses (os du pied) 2 % sur le calcanéum (talon) 1 % sur les sésamoïdes (petits os sous le gros orteil) |
Par le Dr Nicolas Bompard, médecin du sport
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