Maryline Nakache : l’ultra baroudeuse
La traileuse originaire de Marseille a crevé l’écran en 2023. En remportant le Marathon des Sables puis la TDS de l’UTMB sous les couleurs de la Team Cimalp, Maryline Nakache confirme, à 39 ans, tout son talent. Cette baroudeuse qui vit désormais dans un van et qui a quitté son métier d’ingénieure se consacre désormais à fond à sa passion : la course à pied. Rencontre.
Quelle année ! Victoire sur la TDS et sur le Marathon des Sables ? Quel bilan tires-tu de cette saison ?
Maryline Nakache : C’est une bonne question. Disons que dans ce format de course, c’est sans doute l’une des meilleures et des moins attendues. Je ne m’attendais pas à des victoires comme ça sur ce type de course. C’était compliqué. Non, c’est vrai que ce n’est pas rien. On va dire que je suis plutôt heureuse de ces victoires.
Depuis un an et demi, tu as complètement changé de vie. Que s’est-il passé ?
En effet, j’ai quitté mon métier d’ingénieure mécanique au sein d’une grande société, j’ai vendu mon appartement et depuis je vis dans un van. En fait, ça fait longtemps que j’y réfléchissais. Et quand je décide quelque chose, en général, il faut que je le fasse. Je suis comme ça. Je fais les choses à fond. Je ne me reconnaissais plus dans ce que je faisais, je m’ennuyais. Et je suis me suis surtout rendu compte que ma grande passion, c’est le sport et la nature. Alors, comme je n’ai pas d’enfants et pas de contraintes, je me suis lancée. On n’a qu’une vie !
Comment vis-tu au quotidien ?
Je vis un peu au jour le jour, je bouge en fonction de mes entraînements, des personnes que je veux aller voir, les courses que je veux faire. Je peux être un peu partout, aux abords d’une forêt, en bord de mer, à la montagne. Je m’installe là où le vent me porte !
C’est une vie très solitaire ?
Je suis plutôt sauvage et souvent, je souhaite rester solitaire. Après, quand on vit dans un van, on passe finalement beaucoup de temps dehors. Je suis aussi beaucoup avec mon club de Grasse, ma famille et mes amis qui viennent me voir. Mais j’aime vraiment ce côté d’être seule. C’est très égoïste, mais c’est moi qui décide d’être seule quand je le veux ou pas.
Qu’est-ce que ce mode de vie t’a apporté au quotidien ?
Je ne sais pas… C’est un tout. Déjà, je suis moins tracassée, stressée par le travail. J’ai une vie qui me correspond un peu mieux, je me sens plus épanouie. Je peux m’entraîner comme je le souhaite, au moment où je le veux, car même si j’ai repris des études pour me former en diététique et en coaching, ça se fait en correspondance, donc je peux m’adapter. Depuis que j’ai commencé les coachings, je me régale. J’adore m’adapter à chaque personne, leur proposer des plans très personnalisés…
On te qualifie souvent de boulimique de travail, tu confirmes ?
Quand je décide de quelque chose et quand ça me plait, je le fais à fond. Que ce soit dans n’importe quoi. Les études par exemple, je suis allée jusqu’au doctorat. Le boulot, c’était pareil. À l’entraînement, mon coach me reproche souvent de ne pas respecter les journées de repos. J’ai toujours tendance à en faire plus. Il y a chez moi un petit côté hyperactif…
On te voit sur le circuit depuis 2017 seulement. Tu faisais quoi avant ?
Je me suis aussi pas mal consacrée aux études et je fais également de la musique. Je pratiquais le piano, ça me prenait beaucoup de temps. J’ai même fait partie d’un petit groupe de musique. Je faisais beaucoup de sport aussi, mais en loisirs. J’ai tout essayé : de l’escrime, de la danse, de la boxe, de la natation. Il fallait que je bouge. Mais je n’avais jamais accroché à un sport en particulier.
Et la course à pied alors ?
Je l’ai découverte en accompagnant mon ex-mari. Au début, je faisais 5km et je n’en pouvais plus. Mais j’ai continué et j’ai été prise de passion. Au départ, j’ai découvert la route. Puis des collègues de boulot m’ont amenée avec eux lors de leurs sorties. Et puis j’ai commencé à gagner des petites courses locales. On m’a alors conseillé de prendre un coach. Au départ, je n’étais trop pour cette idée.
Et puis ton ascension a été fulgurante !
Quand tu es pris de passion pour quelque chose… Je ne pense pas être douée à la base pour courir. D’ailleurs quand on me regarde courir, je n’ai pas trop une allure de coureuse. Les gens se demandent parfois comment j’arrive à aller au bout des courses. Mais je me suis beaucoup entraînée.
Jusqu’à devenir championne de France en 2018…
Maryline Nakache : J’étais complètement outsider. Personne ne me connaissait. Il y avait un gros niveau en plus. Je me suis entraînée pendant trois ou quatre mois avant et je ne sais pas pourquoi, j’avais envie d’aller sur cette course. Je n’avais aucun sponsor, aucun soutien. Je suis partie derrière et puis j’ai rattrapé tout le monde petit à petit. Je me suis retrouvée devant sans comprendre comment… Je ne m’y attendais pas du tout.
Ça a forcément changé quelque chose pour toi ?
Oui, parce que jusqu’à alors, je n’avais remporté que des petites courses. Là, c’était ma première grande victoire. Ça m’a fait passer au statut d’athlète de haut niveau, alors que j’étais une inconnue.
Comment organises-tu ta saison ? On te voit toujours au rendez-vous des plus belles courses et donc des plus relevées !
Il en reste encore beaucoup… le problème, c’est que j’ai envie de toutes les faire. Le but, c’est de me préserver. Je regarde donc un peu les courses du calendrier et c’est moi qui décide. Après, avec mon coach, on essaye de faire en sorte que ce soit logique dans la saison.
On te voit aussi performer sur toutes les distances et tous les types de terrains !
J’aime varier, passer du sable à la montagne, à la ville. Désormais, j’ai l’impression d’être une athlète très polyvalente. Pour être fort sur le long, il faut savoir courir vite. Après un ultra, j’aime aussi enchaîner sur une course plus courte, moins lourde mentalement et où il faut gérer moins de choses.
Tu as une préférence quand même ?
Je suis de plus en plus attirée par le long, voire le très long. En fait, j’aime surtout les courses difficiles comme la TDS cette année où les conditions étaient dantesques. Ou comme le marathon des sables qui s’est déroulé sous une chaleur incroyable. Sur le coup, je me demande toujours ce que je fais là, mais avec du recul, j’adore. Je suis résistante physiquement et j’aime aussi cette confrontation avec les éléments de la nature, quand il faut savoir résister mentalement…
Quelles courses te font rêver aujourd’hui ?
Il y a une grande épreuve que j’aimerais courir, c’est la Diagonale des fous. Jusqu’à maintenant, je ne me sentais pas prête. Mais après ce que j’ai fait sur la TDS, je me suis dit que je pouvais être en mesure de me confronter à cette course. Après, il y a plein d’endroits dans lequel j’aimerais courir comme les Pyrénées ou la Suisse et pourquoi pas un jour faire le TOR des géants… En février, j’irai sur le Costal Challenge, un trail de 230km par étapes au Costa-Rica. Et puis je souhaite revenir sur l’UTMB en 2024 pour faire mieux que ma sixième place en 2021. Je ne pense pas avoir les capacités de le remporter, car il faut surtout savoir courir vite. Mais je pense être capable de faire mieux.
Photo de UNE : Sportograf