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Duncan Perrillat : « je pense être capable de faire un top 5 à l’UTMB »

Par Simon CHRETIEN , le 14 novembre 2023 , mis à jour le 15 novembre 2023 - 4 minutes de lecture

Sacré champion de France de marathon l’an dernier après avoir perdu le titre sur disqualification un an plus tôt, Duncan Perrillat est un athlète qui ne cesse de surprendre la communauté running. Car le coureur originaire de Grenoble, détenteur d’un record sur marathon de 2h12 ose s’aventurer sur de nouveaux terrains. On l’a par exemple vu s’imposer sur le Grand Trail Saint-Jacques avant de se présenter début septembre sur la mythique épreuve de l’UTMB. Rencontre avec ce jeune homme de 30 ans, qui affirme haut et fort ses ambitions.

Duncan Perrillat, raconte-nous tes débuts avec l’athlétisme.

Duncan Perrillat : Quand j’étais petit, j’ai pratiqué pas mal de sports et d’activités différentes. J’ai par exemple fait du ski alpin, du judo, mais aussi de la musique. Et puis j’accompagnais un peu mon père le week-end qui allait courir dans le massif de la Chartreuse à Grenoble, là où j’habitais. C’est avec les cross du collège que j’ai vraiment débuté l’athlétisme et que je me suis inscrit en club. J’aimais bien ça et je me débrouillais bien. J’ai suivi un programme classique en pratiquant tous les types d’épreuves : lancers, sauts, sprints. Et puis vers 15-16 ans, je me suis spécialisé plutôt sur le demi-fond. Très vite, j’ai remarqué que je n’avais pas un profil de sprinteur. Je ne suis pas très explosif et mon ratio entre ma vitesse sur le sprint et ma vitesse sur le long n’est pas très grand finalement.

Et tu es parti assez jeune vivre aux États-Unis, comment cela s’est fait ?

Après mon bac, j’ai fait une licence de sport étude près de Grenoble. Et puis j’ai une de mes amies qui venait d’obtenir une bourse sportive pour partir dans une université américaine, je l’ai vraiment poussé à partir. Et elle me disait que moi aussi, je devrais faire la demande. C’est ce que j’ai fait. J’ai envoyé directement ma demande au coach responsable de la section demi-fond. J’ai été accepté et je suis donc parti dans la California Baptist University (CBU) à Riverside, à 1h de Los Angeles où j’ai réalisé une licence en marketing puis un master en Management et Finance. Grâce à ce système, tout est fait en sorte pour que tu puisses caler tes entraînements entre les cours.

Duncan Perrillat : « Aux Etats-Unis, je voulais passer un pallier »

Dans quelle optique tu es parti là-bas ?

Duncan Perrillat : Le but premier était d’abord de vivre une expérience aux États-Unis et d’apprendre l’anglais. Même si, au fond de moi, j’avais envie de passer un palier et de tenter ma chance dans le haut niveau. Mais à ce moment, je n’y pensais pas vraiment, car ça n’avait pas vraiment lieu d’être. D’ailleurs, après la fin de mes études, je suis parti travailler un an dans l’évènementiel à Chicago et j’ai délaissé l’athlétisme.

Photo: Antoine Tardy for Peignée Verticale and Hoka

Quel a donc été le déclic  pour revenir au plus haut niveau ?

En 2019, mon visa expirait et je suis donc rentré en France. J’ai alors repris les compétitions d’athlétisme où je réalisais de meilleures performances qu’avant. Je n’étais pas loin des meilleurs Français et à l’époque, je suis tout proche d’une sélection pour les championnats d’Europe de cross. J’avais été embauché par une branche de l’entreprise pour laquelle je bossais aux USA, le but était de développer la marque à Londres. On était début 2020. Finalement, je n’y suis jamais allé, car je me suis dit que je voulais me donner une chance dans l’athlétisme.

Tu t’es alors consacré à 100% à ce sport. Tu n’as pas hésité ?

J’avais conscience que j’avais peu de chance de vivre de l’athlétisme, mais dans le même temps, je me disais que j’avais, quoiqu’il arrive, un CV,  et que, des opportunités professionnelles, j’en aurais d’autres. Je n’ai donc pas vraiment hésité, je ne trouvais pas ça très risqué. Je me disais que si je mettais l’athlétisme de côté, je ne pourrais pas y revenir plus tard, alors qu’à l’inverse, si ça se passait mal pour ma carrière sportive, je pourrais facilement trouver du boulot. Pour moi, c’est plus facile de suivre sa passion que sa raison. Au début, je travaillais en tant que secrétaire médical dans le cabinet de mes parents qui sont tous les deux médecins. On avait trouvé un arrangement sur les horaires afin que je puisse m’entraîner correctement.

« C’est plus facile de suivre sa passion que sa raison »

Duncan Perrillat

Et puis tout s’est accéléré fin 2021, où on te découvre sur le marathon de Rennes. Pour ton premier marathon, tu réalises un chrono de 2h14 et tu es sacré champion de France avant d’être déchu, car tu ne portais pas le maillot de ton club, le Neuilly Plaisance Athlétisme. Comment en es-tu venu au marathon ?

Duncan Perrillat : J’ai toujours eu un profil axé sur le long et l’endurance. À l’entraînement, je craquais rarement sur les séances de seuil. Aux États-Unis, on faisait du cross l’hiver et du 3000m Steeple l’été. Mais je n’ai jamais beaucoup aimé la piste. Et finalement, en analysant mon entraînement, j’ai constaté que je faisais déjà beaucoup de volume et peu d’intensité. En fait, je m’entraînais déjà plus pour du 10 000m, voire du semi-marathon que pour du 1500m ou du 3000m. Beaucoup de gens m’ont incité à me lancer sur marathon en me disant que je pourrais réaliser  de belles performances. Donc mon chrono sur le marathon de Rennes n’a pas vraiment été une surprise. Je me présentais avec l’objectif de gagner, je n’étais pas du tout en mode « advienne que pourra » même si le chrono était un peu meilleur que ce que j’espérais, donc j’étais très satisfait.

« J’ai tendance à être un peu à l’arrache ! »

Avec du recul, comment vis-tu cet épisode de ta disqualification ?

Cette histoire du maillot, ça résume ce que je suis. J’ai tendance à être un peu à l’arrache. Malheureusement, ça pourrait encore m’arriver une telle aventure. J’en veux toujours un peu au club de mon adversaire qui a fait deuxième et qui a décidé de me faire disqualifier, dans le sens où moi, je n’aurais jamais fait ça. Ils ont saisi l’opportunité et je ne leur pardonnerai jamais. Mais je suis passé outre. Finalement, ce n’est pas bien grave. Au fond de moi, j’ai l’impression d’être champion de France cette année-là et l’important, c’est plus le résultat que le titre. Et puis j’ai pris ma revanche, en devenant champion d’Europe de cross par équipe dans la foulée, puis champion de France de Marathon en 2022.

C’est en tout cas depuis cet épisode que tout s’est accéléré pour toi, où tu es devenu professionnel ?

Je suis professionnel dans le sens où j’ai pu me focaliser exclusivement sur mon sport. Il n’y a pas eu tant d’emballement que ça. Hoka a cru en moi et la marque m’a proposé de me sponsoriser, j’en suis très satisfait. Ça demande un peu de travail sur les réseaux sociaux et auprès des médias pour toujours gagner en visibilité.

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Tu as réalisé en février 2022 sur le marathon de Séville ton record personnel de 2h12’12. Un chrono qui te permet de faire partie des meilleurs marathoniens français. Tu vises toujours une qualification pour les Jeux Olympiques de Paris en 2024 ?

Je suis bien placé au niveau français, mais je reste en deçà de la performance des autres marathoniens. En octobre 2022, je réussis à refaire 2h12 sur le marathon de Rennes, sans lièvre, donc seul et en partant sur de belles bases. Donc c’était de bon augure pour s’approcher des 2h09. Finalement, j’ai essayé de concrétiser mon chrono de Séville en début d’année 2023, mais ça ne l’a pas fait, j’ai eu du mal à tenir l’allure et j’ai arrêté au 30ème kilomètre. Sur cette saison 2022-2023, l’objectif est d’aller chercher un chrono sous les 2h10, que je vais tenter soit à Rennes fin octobre, soit à Valence en décembre ou à Séville en février prochain. Je ne connais pas encore tout à fait mon programme pour l’instant. Je vise plus un temps qu’une qualification, car pour la qualif, ça dépend vraiment du résultat des autres.

En attendant, tu as créé la surprise cet été en te présentant sur les épreuves de trail et d’ultra-trail. Pourquoi un tel choix ?

Déjà, la règle en école d’athlétisme, c’est de consacrer ton hiver à ta discipline, donc le marathon pour moi et de passer sur la piste l’été. Mais moi, je ne suis vraiment pas fan de la piste. Mais je suis d’accord sur le fait que faire une discipline différente et notamment une autre distance, ça pouvait être intéressant. Et j’avais envie de vivre cette expérience.

Le trail ? J’avais envie de vivre cette expérience

Duncan Perrillat

Quels aspects du trail te plaisent en particulier ?

Je pense que ça m’a permis certains déblocages psychologiques. Quand tu es capable de courir plus de 10h sur un trail, ça te fait prendre conscience que ton corps est capable de tenir. Quand je m’entraîne pour le marathon, je fais souvent deux séances par jour et parfois, je n’ai pas de bonnes sensations sur la deuxième séance. Là, ça permet de constater que je suis capable de tenir sur la distance. C’est pareil pour la gestion de course et la gestion de l’alimentation. Ce que j’apprends sur le trail m’aide pour le marathon. Plus c’est long, plus c’est important de savoir se contrôler et prendre conscience de l’état dans lequel tu es.

©PVerticale-C.Hudry-0196

Mieux que de découvrir l’ultra, tu t’es même imposé sur l’épreuve de 125km/5400mD+ du Grand Trail Saint-Jacques. Cette victoire t’a surpris ?

Pas tant que ça, car j’y allais vraiment pour gagner. J’y croyais et je pensais bien qu’une victoire était possible.

Mais tu n’as jamais eu peur de la distance et du dénivelé ?

Duncan Perrillat : Si, j’ai douté car je partais dans l’inconnu. Il y avait un peu d’appréhension, mais j’avais déjà fait quelques expériences sur du long. J’avais notamment participé au Speed Project qui consiste à courir pendant 35h en équipe de six en se relayant. Au final, j’avais couru 130 bornes sans dormir une seule seconde donc je savais que j’étais capable de tenir longtemps. Le Trail Saint-Jacques, c’est 13h d’effort, mais pour moi, ce n’est pas plus effrayant qu’un 1500m de haut niveau où l’intensité et le stress sont très forts.

On t’a également vu sur l’épreuve de 170km de l’UTMB cette année, la plus grande course de trail au monde. Ça ne t’a pas effrayé là non plus ?

Non, je pense qu’il y avait plus de différences entre la distance du marathon et mon chrono de 13h sur le Grand Trail Saint-Jacques qu’entre Saint-Jacques et l’UTMB. Et puis contrairement au trail Saint-Jacques où je n’avais pas pu m’entraîner spécifiquement, là, j’ai pu mieux me préparer pour l’UTMB. J’avais fait de vraies sorties longues, notamment à Val Thorens avec l’équipe HOKA.  Et ces longs efforts de 5h à 7h s’étaient très bien passés.

Duncan Perrillat : « A l’UTMB, je n’avais jamais vécu une telle ambiance »

Comment as-tu vécu cette expérience ?

Duncan Perrillat : J’ai vraiment kiffé l’ambiance tout au long de la semaine à Chamonix. C’est quelque chose que tu ne vis pas sur le marathon, même sur celui de Paris. Je n’avais jamais vécu une telle ambiance, j’ai trouvé ça dingue et j’ai adoré. J’aime aussi le côté où tu cours de nuit, tu dois allumer ta frontale, tu te retrouves seul dans la nature. J’aime ces changements de rythme, ces montées, ces descentes, ces chemins techniques. C’est très ludique. Après, pour moi, la course a été un échec, surtout que pas mal de monde avait fait le déplacement pour m’encourager.

Tu as pris les devants de la course avant d’abandonner dès le 50ème kilomètres. Que s’est-il passé ?

Les 30 premiers kilomètres sont les plus plats de la course. C’était donc logique pour moi de partir vite, même si ce n’était pas si rapide pour moi. J’étais sur une allure intermédiaire entre le footing et le premier seuil. Puis à partir du 30ème kilomètre, j’ai rencontré des problèmes gastriques, ce que je n’avais pas connu sur le trail Saint-Jacques. Après, c’est toujours dur de savoir quelles sont les raisons exactes de mon abandon. Peut-être que si j’étais parti en marchant, je n’aurais pas eu ces difficultés gastriques. Dire qu’il n’y a aucun rapport avec mon début de course, c’est faux. Mais dire que c’est la raison principale, ce n’est pas vrai non plus. C’est un ensemble de choses, lié au stress peut-être. En tout cas, c’est un sentiment mitigé, car quand je vois la course d’un Ludovic Pommeret qui termine 5ème, je pense que j’avais quelque chose à jouer autour de cette place. En tout cas, je reviendrai sur cette épreuve et peut-être même dès l’année prochaine. Je pense vraiment être capable de faire un top 5 sur l’UTMB.

Je pense vraiment être capable de faire un top 5 sur l’UTMB

Duncan Perrillat

Tu sais qu’avec ces propos, tu risques de faire réagir !

Duncan Perrillat : Ah, mais c’est sûr que je vais me faire détester par beaucoup de trailers. Je me suis déjà fait pas mal lyncher sur les réseaux par certains. Il y a une sorte de rivalité entre la piste/route et le trail. Entre l’athlétisme traditionnel et cette discipline nature. Moi, je trouve que c’est dommage. Après, c’est à moi de prouver que j’en suis vraiment capable. Mais si tu demandes à Jim Walsmsley (1er), Ludo Pommeret (5ème) ou Thibaut Garrivier (6ème), avec qui je me suis entraîné cette année, je pense que tous les trois te diront que j’en suis capable. Et eux se rendent mieux compte de mon niveau que les quelques trailers qui pensent que je suis arrogant. Je ne pense pas être arrogant. Je pense être à peu près objectif. Quand je pars devant cette année, c’est pour la gagne. Le problème, c’est que quand tu annonces quelque chose, tu prends le risque de te faire critiquer. C’est le jeu. C’est pour ces raisons que certains préfèrent ne pas parler aux médias. Mais c’est à double tranchant. C’est plus facile de ne jamais rien annoncer, mais moins grisant. Annoncer un tel objectif en amont, ça donne du piment.

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Tu marches un peu à la provoc’ finalement ?

Non, je ne pense pas. Je pense être objectif sur les choses. Si demain, je pars sur un 1500m de niveau international, je ne t’annoncerai pas que je compte être finaliste. Je partirai sur des objectifs qui correspondent à mon entraînement. Quand j’annonce mon intention de faire top 5 de l’UTMB, ce n’est pas du rêve, car je sais que j’en suis capable. J’ai conscience que le sport n’est pas une loterie. Surtout la course à pied, où il y a encore moins de hasard.

Tu ne penses pas que cette parenthèse trail t’a fait perdre des qualités de vitesse pour le marathon ?

Duncan Perrillat : Non, en termes de vitesse, ça ne change rien du tout. Mais le fait d’être parti sur une expérience nouvelle m’a en revanche donné très envie de revenir sur du plus court. Ça m’a redonné ce goût que tu perds au fur et à mesure que la saison avance. J’ai l’impression de repartir avec des balles neuves. C’était important pour progresser, j’en tire beaucoup de positif. C’est un schéma qui me plait et je pense que je le referai.

En tout cas, pour réussir de telles performances, c’est la passion qui prime ?

C’est dans les moments où je perds un peu la motivation que je suis le moins bon. C’est impossible de se retrouver aux avant-postes s’il n’y a pas cette passion. Car le problème, c’est que le but n’est pas simplement de participer, c’est d’avoir des résultats, de faire partie des premiers. C’est un sport très difficile et il faut être très motivé pour accepter tous ces entraînements et la pression le jour de la course.