Des chiffres et des êtres
De nos jours, le coureur doit aussi se faire mathématicien. Pourcentage de VMA, inclinaison de la pente, temps de retard sur un record perso… : les chiffres sont partout, et ce ne sont pas applications qui squattent nos smartphones qui vont bouleverser la situation !
Les mathématiques et moi, on s’est séparés, plutôt fâchés. C’était un soir d’été 1997, dernière journée d’une première année d’école d’ingénieurs qui n’avait pas voulu de moi, pas plus que je n’avais voulu d’elle. Trop de chiffres, trop de contraintes, trop de théorèmes, le mal de tête sans arrêt en embuscade, une impression de noyade scientifique permanente. Ce jour-là, je me le suis promis : désormais, seuls les mots auraient un sens pour moi.
21 ans après, je rentre de ma sortie. Synchronisation de la montre avec le téléphone, les données apparaissent sur l’écran. 5 min 12 s/km d’allure moyenne, record battu sur cette rue de 219 m à 12 % de pente moyenne, pointe de fréquence cardiaque à 183 BPM, fréquence cardiaque moyenne à 151, 175 foulées/minute.
Grandeurs et des cadences
Je me vautre dans les chiffres, m’asperge de données, m’enduis le corps de dynamiques de course à pied. Garmin Connect, Strava, Movescount et compagnie en intraveineuse. Des drogues aussi dures que l’effort que je viens de fournir. La course en abscisse, la passion en ordonnée. L’imagination de mes applications dealers de chiffres est sans limites, elles savent tout de mes grandeurs et de mes décadences sportives. Me sermonnent quand ma VO2Max fait la tronche, me glorifient quand je bats, enfin, le chrono de Dédé28 sur la sente qui passe juste derrière chez moi.
Le sport le plus simple au monde est en fait l’empire du nombre et du calcul. Certains s’en passent très bien, divorcent de leur montre GPS ou de leur appli pour retrouver une liberté que nous autres aurions perdu, trop absorbés par les formes généreuses de notre courbe de fréquence cardiaque. Je suis donc victime du syndrome de Stockholm, otage heureux d’une technologie qui me fascine. Elle est là, ma liberté, dans le choix du port volontaire d’un bracelet électronique pour coureur innocent. Alors, l’été dernier, j’ai continué à parfaire ce bronzage si particulier, avec la trace de la montre de plus en plus marquée alors que le soleil intensifie ses attaques. Et vous ?
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